Les filles du roy

Au début des années 1660, le roi Louis XIV, qui vient de prendre le plein contrôle du pouvoir et qui saisit bien l’importance de la Nouvelle-France, décide d’envoyer dans la colonie des « filles à marier », une mesure susceptible tout à la fois d’inciter plus d’engagés et de soldats à s’établir en Nouvelle-France, et de contribuer à l’accroissement de la population. Ce sont ces « filles à marier » qu’on a pris l’habitude, dès la fin du XVIIe de désigner comme les « filles du roi ».

Combien étaient-elles exactement? On ne peut le dire que très approximativement, car il n’existe pas de registres qui leur aient été spécialement consacrés. Pour les retracer, il faut examiner les contrats de mariage et les registres paroissiaux, et recenser les femmes qui peuvent correspondre à la définition donnée par Yves Landry1: « immigrantes, filles ou veuves, venues au Canada de 1663 à 1673 inclusivement et ayant présumément bénéficié de l’aide royale dans leur transport ou leur établissement, ou dans l’un et l’autre ». Yves Landry, pour sa part, a calculé qu’elles étaient 770.

Certaines étaient orphelines de père, de mère ou des deux parents, mais pas toutes. Certaines, les moins nombreuses, appartenaient à la bourgeoisie ou à la noblesse, toutes les autres étaient filles d’agriculteurs, d’artisans ou d’ouvriers. Certaines avaient choisi librement de venir tenter d’améliorer leur sort en Nouvelle-France, d’autres avaient été « désignées volontaires » par les établissements charitables qui les hébergeaient. Mais toutes savaient qu’elles se retrouveraient dans une colonie où il y aurait une dizaine de prétendants pour chacune d’elles.

Et, de fait, la quasi-totalité d’entre elles ont contracté mariage dans les mois qui ont suivi leur arrivée. Une minorité des filles venues en Nouvelle-France retournèrent en France, rebutées par le climat et les conditions difficiles de vie.

Les filles du roi et les Dumas

La question des filles du roi ne peut laisser les Dumas indifférents car leur histoire est liée à celle des Dumas de Nouvelle-France.

Tout d’abord, deux filles du roi se retrouvent d’ailleurs à l’origine des deux plus importantes lignées de Dumas d’Amérique. Le maçon François Dumas a ainsi épousé Marguerite Foy, à qui revient l’insigne honneur d’avoir été la fille du roi qui a pris le moins de temps après son arrivée à trouver mari. Leur contrat de mariage a été signé dès le 5 juillet 1667, alors qu’il y a peu de chance que le navire qui amenait Marguerite ait touché terre à Québec avant le 20 juin. Quelques années plus tard, François Dumas dit Rencontre, un ex-soldat de Carignan, épousait à son tour une fille du roi, Marie Lelong. Après la mort de cette dernière, il se remariera d’ailleurs avec une autre fille du roi, Marie Jeanne Gilles. Notons aussi que Marie de Montmaynier, la femme de François Dumas, interprète et garde du gouverneur de Brisay, était elle aussi une fille du roi.

Mais là ne s’arrêtent pas les liens entre les Dumas et les filles du roi. En effet, on peut retrouver 54 filles du roi dans l’ascendance des conjoints et conjointes de plusieurs des enfants et petits-enfants de Dumas. Pour les besoins de l’exercice, on a tenu compte de tous les Dumas pionniers recensés avant 1800 sur le territoire de la Nouvelle-France, que ces Dumas aient eu ou non une descendance jusqu’à nos jours.