Histoire de Jean-Baptiste Pottier

Les Pothier

Bienvenue dans la grande famille des Pothier. Qui suis-je? Gisèle Pothier, retraitée de l'enseignement. Depuis une dizaine d'années, je passe des heures agréables à essayer de découvrir mes ancêtres, cachés sur des tablettes historiques et qui ne demandent pas mieux que de se faire dépoussiérer. J'essaierai de vous en présenter quelques-uns.

Je désire réaliser ce site en hommage posthume à mes parents, mes grands-parents et à tous ceux et celles dans les familles Pothier qui ont contribué à ce que nous sommes aujourd'hui.

Parcourons ces lignes pleines d'histoire et écoutons murmurer ces hommes et ces femmes qui ont bâti leur monde avec tant d'amour et tant d'ardeur. Je suis fière d'appartenir à ces générations et fière de montrer au monde entier que je suis descendante des Pothier.

Extrait du Dictionnaire biographique du Canada, vol. VII, page 250 Pottier, Jean-Baptiste, notaire royal, substitut du procureur fiscal, greffier, huissier royal, arpenteur et geôlier, né à une date inconnue, fils de (1) Jean Pottier et de Marguerite de Sainctes, originaires de Chartres, en France, inhumé à Trois-Rivières le 11-07 1711.

Arrivé au pays vers 1680, il s'établit dans la paroisse des Saints-Anges de Lachine en 1686, M. Pottier y fut d'abord chantre et maître d'école, au salaire de 50$ par année. Il cessa ses activités peu rémunératrices vers la fin de 1686, semble-t-il, au moment où il commença à recevoir des actes notariés en vertu d'une commission des seigneurs de Montréal.

Me Jean-Baptiste Pottier possédait une excellente instruction, un sens légal consommé et une grande minutie dans son travail. Il avait en outre la confiance de ses concitoyens et des autorités, car il exerça plusieurs charges importantes, entre autres le 23 mai 1690, il fut nommé substitut du procureur fiscal au bailliage de Montréal, charge qu'il teint jusqu'au milieu de 1693. Entre-temps, le 15 mars 1693, il avait obtenu des provisions de notaire royal dans le gouvernement de Montréal; mais sa clientèle ne s'en trouva point agrandie pour autant, à en juger par son minutier (peut-être incomplet). Marié depuis le 14 juin 1688, il avait à faire vivre une famille. Aussi dut-il, le 5 octobre 1695, prendre à ferme une habitation de 60 arpents en superficie, à Lachine.

Une occasion se présenta en 1701: l'intendant l'invitait à remplacer, au moins pour quelques mois, le vieux notaire Séverin Ameau, à Trois-Rivières. M. Pottier décida de s'y établir. Il put, dans ce petit bourg, cumuler les fonctions de greffier et de geôlier avec celle de notaire; bientôt, le 17 octobre 1703, il devenait en outre, sergent royal (huissier) avec juridiction dans toute la Nouvelle-France. Peut-être M. Pottier, chargé d'une assez grande famille, n'en vivait-il guère mieux; l'intendant Bégond, en tout cas, le 1er mai 1711, ajoutait à ses titres celui d'arpenteur juré.

En 1711, Pierre Poulin, notaire royal, obtenait une commission de notaire royal et de greffier de Trois-Rivières, succédant à M. Jean-Baptiste Pottier qu'il remplaçait également comme concierge de la prison le 16 juin 1711.

Il est probable que l'épouse de l'ancêtre français, Jean Pottier, appelée Marguerite Saintes ou de Saintes ou Xaintes, était originaire de la ville de Saintes en Saintonge d'où sont partis un grand nombre de colons par le port de La Rochelle.

Jean-Baptiste, fils de Jean, est le premier "Pothier" à faire souche au pays. Il eut deux fils, Joseph-Marie et Jean-Baptiste, qui sont à la base de deux branches. Joseph-Marie et M.-Josephte Mouet de Moras eurent sept enfants, Jean-Baptiste et M.-Anne Crevier eurent neuf enfants; ce qui est à l'origine d'une grande postérité.

IL DEVINT NOTAIRE

Le 20 décembre 1686, il recevait son premier acte à Lachine par le commandement de Montréal dont il se déclare secrétaire. C'est là qu'il pratiqua le notariat pendant 15 ans. Son 353e acte est daté du 26 septembre 1701. Le 23 mai 1690, Jean-Baptiste fut substitut du procureur fiscal au bailliage de Montréal jusqu'au milieu de 1693. Cette année-là, le 15 mars, il devint notaire royal dans le gouvernement de Montréal.

D'UNE HONNÊTETÉ REMARQUABLE

Jean-Baptiste Pottier possédait un sens légal peu ordinaire, une grande minutie dans son travail, la confiance de ses concitoyens et des autorités. Ce n'est pas lui qui aurait chassé en temps prohibé ou essayé de frauder le fisc. Cette na-ture franche, droite, bien trempée mais peut-être trop tranchante dut surmonter quelques difficultés. En 1693, il y eut un échange de mots aigres-doux entre lui et son pasteur. L'impasse devint tellement sérieuse que, le 5 mai, l'abbé Rémy porta plainte pour injures et menaces à sa personne. Les choses s'arrangèrent. Le 31 octobre 1708, Jean-Baptiste Pottier fit même une vente à son ancien curé.

PÈRE DE FAMILLE

Jean-Baptiste épousa Marie-Etiennette Beauvais qui allait bientôt avoir 19 ans, fille de Jacques et Jeanne Soldé, cultivateurs, le 14 juin 1688. La cérémonie du mariage se déroula à l'église Notre-Dame-de-Montréal. De cette union, 12 enfants virent le jour: sept à Lachine, cinq aux Trois-Rivières.

Malheureusement, ils perdirent leurs quatre premiers enfants. Tant de deuils, surtout dans les débuts de leur mariage, devaient les affliger beaucoup. Ils ai-maient les enfants. Trois mois à peine après leurs noces, ils adoptèrent un orphelin.

Tel est l'ancêtre Pottier, un homme instruit, travaillant, colérique, dévoué corps et âme à sa patrie et à sa famille. Il ne semble pas, malgré les fonctions nombreuses qu'il a occupées, avoir joui d'une grande fortune; au contraire! Les petits malins, qui voudraient en faire un méchant bourgeois parce qu'il était riche, n'ont pas de chance. Il fut pauvre. Ainsi, le 5 octobre 1695, on le voit prendre à terme une propriété de 60 arpents de superficie, à Lachine. Ce n'était certes pas pour spéculer mais pour boucler les deux bouts! Jean-Baptiste Pottier décéda en juillet 1711. Il fut inhumé le onze.

Quant à Étiennette Beauvais, elle lui survécut plus de 40 ans. On rapporte qu'elle fut guérie par l'intercession du Frère Didace Pelletier en 1704. En 1710, Mme Pottier avait mis au monde deux jumeaux: Michel et Marie. Après la mort de son mari, le 8 octobre 1712, elle remit les papiers du notaire défunt entre les mains du Père Chauvreau, récollet. Etiennette est décédée en 1753, âgée de 84 ans. Elle a été inhumée le 14 septembre à Trois-Rivières.

(Gérard Lebel, rédemptoriste, article dans les annales de Sainte-Anne, avril 1976).

Un volume de généalogie des Pothier a été édité en 1996 mais il en reste encore beaucoup à découvrir. Ce n'est que vers les années 1800 que nous commençons à rencontrer des Pothier ailleurs qu'aux alentours de Trois-Rivières. Ce fut Saint-Hyacinthe vers 1800, Warwick vers 1850, Sorel vers 1860, La Baie vers 1870, aux Etats-Unis, Montréal, Magog, Ottawa et Saskatchewan vers 1900 et en Abitibi vers 1930.

Voici les deux premières générations:

PREMIÈRE GÉNÉRATION

(1)
Jean-Baptiste Pottier, (Notaire royal)		Marie-Étiennette Beauvais (21-09-1670)
(Jean et Marguerite Xaintes, Saintes)		(Jacques et Jeanne Soldé, née en 1632)
	Jean (père) était marchand			Jacques et Jeanne  mariés 07-01-1654, Montréal
	décédé le 11-07-1711 à Trois-Rivières	décédée le 14-09-1753
mariés à Notre-Dame-de-Montréal, 14-06-1688

Jacques Beauvais-Saint-Gemme était fils de Gabriel et Marie Crevier de Saint-Martin d'Igé. Jeanne Soldé était la fille de Martin, journalier et Julienne Le Pothier de la Flèche, évêché d'Angers. 

Marguerite Bourgeoys écrivait un jour à M. Tronson, supérieur de Saint-Sulpice, à Paris, qu'il y avait quelques filles du Roy au nombre des passagers de la Recrue de 1653. À l'aide des recherches du Père Godbout. O. F. M. et de R. J. Auger, archiviste, il est possible d'établir la liste de leurs noms, (je vous en fais grâce, je nomme seulement celle qui nous intéresse ici). "Jeanne Soldé ou Souldé" . (Les Premières et les "filles du Roy" à Ville-Marie, de Marie-Louise Beaudoin c.n.d.).


DEUXIÈME GÉNÉRATION 


Les treize enfants de Jean-Baptiste Pottier et de Marie-Étiennette Beauvais:

1.- Marie-Louise, (15-04-1689, Lachine).

2.- Jean-Alexis, (08-12-1690, Montréal) sépulture:17-12-1690.

3.- Guillaume, (23-01-1693, Lachine)		Marie Palucouasoua
						Amérindienne 
mariés en 1718 au Fort Kaskaskia
N.B. Ce couple eut une fille: Marie-Marguerite (17-05-1719 au Fort Kaskaskia).

4.- Marie-Barbe, (18-10-1694) et sépulture le 02-01-1695.

5.- Joseph-Marie dit Laverdure 			Marie-Josephte Mouet de Moras
	(28-02-1696, Lachine)			(13-02-1697)
	sépulture le 27-05-1742 à Trois-Rivières	(Pierre II et Élisabeth Jutras)
mariés à Trois-Rivières, 21-01-1718
Marie-Josephte était la fille de Pierre Mouet de Moras, Sieur de Moras, officier dans les troupes de la Marine. Elle s'est remariée en seconde noce à Joseph Jutras le 15-01-1748 à Nicolet.  Ce couple, M-Jos. et Jos. Jutras, eut un enfant, M-Josephte.

6.- Marie-Catherine, (27-02-1698, Lachine)	Joseph Perrin veuf de Jeanne Durand
						(Mathieu et Jeanne Petit)
mariés à Notre-Dame, Montréal, le 28-02-1718

7.- J.-Baptiste Poitier, Sieur de St-Gemme		Marie-Anne Crevier, 1ère f.
	(27-12-1699, Lachine)			(Claude et Marie-Jeanne Petit)
	sép. 22-04-1760 à Rivière-du-Loup
mariés à la Cathédrale de Trois-Rivières, 12-04-1728 (ct Petit)
						Judith Lemaître, 2e f.
	( ce couple n'a aucune descendance)	(Jean et Catherine Godefroy)
mariés à Longue-Pointe, 03-11-1733, (cont Lepaillieur)
						Catherine Grimard, 3e f.
						(Pierre et M. Banliac)
mariés à Louiseville, 29-06-1739

8.- Jeanne-Marguerite				Nicolas Vanasse
	(20-12-1701, Trois-Rivières)		(Nicolas et Jeanne Bergeron)
mariés à Maskinongé en 1728

9.- Marie-Louise, (08-11-1703, Trois-Riv.)		Richard "Pré" "Praye" "Fry"
						(Guillaume et...St-Jean) (omis dans l'acte)
mariés à Trois-Rivières, 23-11-entre 1721-1725, (cont Poulin)

(Fry aurait été un anglais au service de M. Linctôt, major). Ce couple aurait eu au moins un enfant:

1.- Claire-Amable			Charles Deshaies/St-Cyr
					(Pierre et Marie-Josephte Moreau)
mariés à..., 21-01-1750, (cont. Pillard)

10.-Anonyme, (13-01-1706,Trois-Rivières) de sexe indéterminé.

11.-M.-Magdelaine, (25-03-1707, Tr.-Riv.)		Jean-Baptiste Petit (Bruno)
						(Joseph et Marie Chenay)
						seigneur de Maskinongé
mariés à  Trois-Rivières, 26-07-1725, (cont. Petit)

12.-Michel, (21-03-1710, Trois-Rivières) et sépulture le 30-07-1719 (jumeau).

13.-Marie-Françoise, (21-03-1710, T.-R.)		Jacques Chamaillard
						(Jean et Marie Labrie)
mariés à Pointe-Claire, 16-02-1733 (cont Adhemar)

Quelques anecdotes des descendants de Pothier

Une première anecdote racontée par Wellie Bergeron de Warwick à ses enfants: Alphonsine Bazinet,épouse de Théophile Pothier, quand venait l'automne elle récoltait le sarrasin, le moulait et allait au village de Kingsey Falls, à travers les champs, la poche (sac de 100 livres) de sarrasin sur le dos, afin de l'échanger pour une poche de sel. Comme elle demeurait aux limites de Warwick et Kingsey Falls, c'était un bon bout de chemin.

Il racontait aussi que la période des Fêtes, c'était vraiment spécial pour cette famille. Le 24 décembre, le grand-père Noé Pothier, allait chercher tous ses enfants mariés et leurs familles, les amenait chez lui et allait les reconduire le sept janvier. Le matin, les hommes "faisaient le train" pendant que les femmes "faisaient à manger".

Comme c'était une famille de musiciens et de chanteurs, entre temps, on s'amusait aux cartes tout en jouant de la musique et chantonnant toutes sortes de chansons. La pauvre grand-mère, qui nourrissait tout ce beau monde, disait à son mari: " Noé, ils vont nous ruiner". (Gisèle Bergeron Kirouac, Warwick)

Une deuxième anecdote racontée par Gisèle Bergeron de Warwick

Amanda, qui souffrait de cataracte, était devenue aveugle. Un jour, on l'opéra. Après l'intervention chirurgicale, on lui enleva son bandeau, et qui a-t-elle aperçu en premier? Ce fut le médecin comme de raison. Elle n'a pu s'empêcher de s'écrier: "Mon Dieu, que vous êtes beau"! Le médecin de lui répondre: "C'est bien sûr que votre opération n'a pas été réussie". Ce fait fit le tour de la fa-mille de ce temps et tout le monde en rigolait beaucoup. C'était une femme vraiment spéciale.

Parlons un peu de musique puisque chez les Pothier, le chant et la musique étaient monnaie courante. Beaucoup de musiciens agrémentaient les soirées familiales de plusieurs familles de Pothier. Philias et Alfred (Ti-Fred) Pothier étaient des violoneux qui jouaient très bien, paraît-il. Ils ont commencé tellement jeunes, qu'ils se couchaient par terre pour jouer du violon. "Mes parents disaient qu'Alfred jouait et giguait avec un verre plein d'eau sur la tête. Quand il se trouvait dans une soirée familiale, personne ne s'ennuyait". Wellie Bergeron aussi jouait du violon. Il a commencé assez jeune puisqu'il n'était pas capable de l'accorder lui-même, il demandait l'aide de sa mère. (Gisèle Bergeron Kirouac)

VIE À LA CAMPAGNE CHEZ UNE FAMILLE POTHIER DES ANNÉES 1920

QUELQUES SOUVENIRS D'ENFANCE

Nous voici chez les Joseph Pothier et Angelina Beauchesne du deuxième rang de Tingwick, habitant une toute petite maison, construite au moins depuis trois générations. Carré de maison d'environ 400 pi2, sans solage, pas très grande pour loger quinze à seize personnes pendant des années. Six appartements: une cuisine et deux chambres au rez-de-chaussée, une grande et deux petites chambres à l'étage. Nous étions vraiment "cordés" les uns sur les autres.

QUE C'ÉTAIT FROID L'HIVER!

Le chauffage, très rudimentaire, nous faisait souffrir parfois. Rien dans la cave, un simple poêle (cuisinière) "Bélanger" dans la cuisine, muni d'un tuyau qui réchauffait la chambre des filles. En hiver, dans les autres appartements, maman calfeutrait le tour des fenêtres tous les soirs, pour empêcher la glace de se former à l'intérieur. D'épaisses couvertures de laine, des catalognes tissées au métier et des "peaux de carriole" couvraient nos lits: c'était notre chauffage. Le soir, nous étendions nos bas tout trempés sur un grand séchoir à côté de la cuisinière, sur le réchaud et sur les chaises tout autour de la chaleur. Je ne comprends pas que le feu ne soit jamais pris dans ce coin de bric-à-brac.

N'ayant pas de lieu d'aisance comme aujourd'hui, nous avions une "catherine" (tinette à couvercle) pour la nuit. Quand il fallait s'y asseoir en pleine nuit, c'était tellement froid, que notre sommeil en prenait un coup. Le reste de la jour-née, nous allions à l'écurie, nous ne nous en plaignions pas, c'était moins confor-table mais beaucoup plus chaud.

LE TRAVAIL À LA FERME

Comment se passait le temps dans cette famille? Comme dans la plupart des autres familles des alentours, j'imagine. Lever à 5h30 pour tous ceux qui avaient l'âge de travailler sur la ferme et "veux veux pas", il fallait se lever. Chacun avait un travail assigné. Papa allait faire les préparatifs à l'étable, pendant que maman criait très souvent dans la porte d'esca-lier: "Levez-vous les enfants, sinon, votre père va venir". Si par malheur, papa était obligé de revenir à la maison, dans un clin d'oeil, tout le monde était debout. Nous descendions à l'étable pour y "faire le train" comme on disait.

Les uns tiraient (trayaient) les vaches (environ vingt-cinq), à la main s'il-vous-plaît, d'autres s'occupaient des veaux, des cochons, des poules, des lapins, etc...; d'autres écu-raient l'étable ou donnaient du foin aux vaches; les jeunes, quand on batifo-lait trop, on se faisait rappeler à l'ordre. Tout ce travail pouvait durer près de deux heures et même davantage, car l'automatisation d'aujourd'hui n'était pas en-core commencée. Ensuite, c'était le déjeuner: du gruau, du pain et du lait accom-pagnés de cassonade, des crêpes ou des galettes de sarrasin. Le tout variait selon les besoins: les oeufs étaient réservés aux hommes parce qu'ils travaillaient plus fort.

Vers les 8h00, les hommes partaient pour l'avant-midi, soit aux champs, soit au bois. Pendant ce temps, c'était le "free for all" pour les enfants, ils se préparaient pour l'école. Heureusement, nous n'avions pas besoin de lunch, nous traversions le chemin pour nous rendre à l'école, mais il fallait se laver, se changer, comme on disait alors. Tout à coup, un cri sortait du fond de la maison: "Sa mére, as-tu lavé les oreilles des enfants"? C'était papa qui s'inquiétait, avec raison, car ma-man ne fournissait pas. De la marmaille et du bruit, il y en avait! Nos installations très rudimentaires rendaient encore la tâche plus difficile. Pas de bain; parfois l'hiver, même pas d'eau courante, l'aqueduc gelait une bonne partie de la saison froide. Il fallait ménager l'eau, car c'était très dur de transporter le précieux liquide de la rivière à la maison.

LA MESSE DU DIMANCHE

Avec des parents si religieux, un père imprégné d'un jansénisme outré à l'ex-trême, une mère très pieuse, la prière et le chapelet quotidien étaient de rigueur. La messe du dimanche, il ne fallait pas la manquer. Nous étions à cinq milles et demi du village. Le trajet durait une bonne heure en voiture à cheval. Nous al-lions à la grand-messe de dix heures.

Quelle corvée le dimanche matin! Lever à 5h30, travail à l'étable environ une heure et demie, retour à la maison pour se laver et "s'endimancher". Pas de déjeuner, puisqu'il nous fallait être à jeun depuis minuit pour pouvoir communier. Que faisions-nous pour satisfaire ce précepte "sacré pour mes parents"? Maman préparait un "lunch" malgré ses nombreuses occupations et après le long trajet, de la maison à l'église, nous allions communier entre deux messes, entre 9h00, 9h30. Nous descendions à la cave de l'église, je dis bien la cave, ce n'était pas un sous-sol, nous étions à côté des fournaises sur la terre battue, déguster nos maigres sandwichs avant la messe de dix heures. La célébration pouvait durer deux heures, que c'était long pour nous, les jeunes, nous avions très hâte de reprendre notre liberté, comme tout était en latin, nous ne comprenions absolument rien.

Au retour à la maison vers 1h00 ou 1h30, nous dînions avec grand appétit et en-suite, selon le précepte religieux du temps, c'était le grand repos pour toute la famille jusqu'au "train" du soir.

Le train-train journalier recommençait et la vie continuait... Je ne me souviens pas m'être beaucoup ennuyée chez moi, nous étions rarement oisifs. Chacun savait ce qui l'attendait à des heures précises et pourtant, la vie passait très vite, si j'ai bonne souvenance. Nous nous amusions autour de la maison. Il y avait toutes sortes de choses qui pouvaient nous intéresser. On allait sur les "tas de planches", on se sciait des morceaux de bois, on se montait toutes sortes de petits riens; c'étaient nos jouets et c'était merveilleux!

PENDANT LES GROS FROIDS DE L'HIVER

Oh! c'était beaucoup moins rose. Nous avions beau nous habiller chaudement, nous couvrir avec des "peaux de carioles", le froid nous traversait quand même. Parfois, quand les chemins étaient mauvais et que le cheval allait au trot, j'ai même vu quelqu'un sortir de la voiture et bondir dans la neige du fossé.

Je n'oublierai jamais un jour de Pâques au matin. Il faisait une "tempête de loup" comme nous disions. Papa s'était levé très tôt pour aller cueillir de "l'eau de Pâques". Cette eau, il fallait aller la chercher là où il y avait de l'eau courante et avant la parution du soleil. Elle était très précieuse pour mes pa-rents, elle jouissait de vertus spéciales, disaient-ils.

Revenu à la maison, il "fit son train" comme d'habitude. Ce matin-là, il n'était pas question d'atteler le cheval pour se rendre à l'église. Donc, après le déjeuner, encore à jeun depuis minuit, il partit à pied pour se rendre à la messe (cinq milles et demi), car pour lui, le précepte du Seigneur était plus fort que les inconvénients de la tempête.

Ce jour-là, je ne comprends pas comment il se fait que mon père n'ait pas été trouvé gelé dans les champs, car il passait vraiment à travers pour arriver plus tôt. Jamais nous ne saurons exactement toutes les souffrances endurées par ces gens remplis d'une foi à transporter les montagnes. Puisque vivre, c'est tisser sa toile, j'apprécierais beaucoup avoir le privilège d'admirer la toile de la vie de mes parents.

Gisèle Pothier
Généalogiste amateure
Auteure de divers volumes et de brochures généalogiques


Retour à Jean-Baptiste Pottier
ancêtre des Pottier d'Amérique



Source: Le Centre de généalogie francophone d'Amérique
URL: http://www.genealogie.org
Conception et réalisation: Le Cid (Le Centre internet de développement)
1997 © Tous droits réservés.