Tiré du: Dictionnaire Biographique du Canada
LEPAGE DE SAINTE-CLAIRE, LOUIS, prêtre, chanoine, seigneur, né le 22 août 1690 à Saint-François, île dOrléans, fils de René Lepage de Sainte-Claire, premier seigneur de Rimouski, et de Marie-Madeleine Gagnon, décédé à Terrebonne (Québec) le 3 décembre 1762.
Louis Lepage de Sainte-Claire appartenait à une famille établie en Nouvelle-France depuis 1663. Entré au séminaire de Québec, Lepage de Sainte-Claire reçut les ordres mineurs de Mgr de Saint-Vallier [La Croix*] le 8 octobre 1713. Il fut ordonné prêtre dans la cathédrale de Québec le 6 avril 1715. Aussitôt ordonné, Lepage de Sainte-Claire fut nommé curé de la paroisse Saint-François-de-Sales, île Jésus. Quelque temps après son installation, il acheta des terres, et, en janvier 1719, il obtint sa première concession du séminaire de Québec, propriétaire de lîle Jésus ; il acquit dautres propriétés en février et en mars 1720. De plus, il projetait dexploiter les immenses domaines situés de lautre côté de la rivière des Mille-Îles. En effet, la seigneurie de Terrebonne, concédée pour la première fois en 1673, navait guère été mise en valeur. Les propriétaires successifs, André Daulier Deslandes, Louis Le Conte* Dupré et François-Marie Bouat* navaient établi quun petit nombre de censitaires, et aucun moulin banal ni manoir seigneurial navaient été construits. À la suite de revers financiers, Bouat céda, le 2 septembre 1720, à labbé Lepage la seigneurie de Terrebonne pour la somme de 10 000ª, tout en gardant lhypothèque sur les terres. La seigneurie occupait alors un territoire de deux lieues de front sur deux lieues de profondeur.
Nommé chanoine du chapitre le 9 juin 1721, Lepage de Sainte-Claire obtint de son évêque la permission de résider dans son domaine. Il commença la concession de terres en 1723 et, en une seule journée, il signa 24 contrats. Laveu et dénombrement de sa seigneurie en 1736 démontre que le nombre de censitaires avait atteint 81. Même si les autorités de la colonie en défendaient létablissement, Lepage de Sainte-Claire érigea un véritable village au bord de la rivière des Mille-Îles. Il fit construire sur son domaine une église en pierre, un presbytère servant de demeure seigneuriale, quatre moulins à farine, un moulin à scier. Selon lintendant Hocquart*, cétait une véritable industrie qui navait pas sa pareille dans toute la colonie.
Toutefois, la mise en valeur de sa seigneurie ne lui avait guère laissé le temps de remplir ses devoirs de chanoine. Il nétait pas le seul dans ce cas et, dans une lettre à Maurepas, le 19 octobre 1728, le chanoine Charles Plante se plaignit de la négligence des chanoines à assister aux offices et mentionna tout particulièrement « M. Louis Lepage [qui] a sa terre et ses moulins à faire valoir ». Prié par Mgr Dosquet* de se soumettre à la résidence, Lepage de Sainte-Claire donna sa démission en 1729.
En 1731, le seigneur de Terrebonne se fit concéder une terre de deux lieues de profondeur attenante à sa seigneurie afin daugmenter les réserves de bois dont il avait besoin. La même année, il sengagea par contrat à fournir aux chantiers maritimes de la colonie et de la métropole des planches et des bordages de pin et de chêne, et, pour obtenir plus de matière première, il exploita des chênaies dans les seigneuries de Berthier-en-Haut et Dautré. Le 20 octobre 1730, Lepage de Sainte-Claire avait envoyé au ministre un long mémoire où il soulignait que les difficultés « pour réussir dans les différentes entreprises [...] ne [venaient] que de la rareté de largent, et, des hommes ». Il proposait, pour remédier à ces deux inconvénients, la construction dun plus grand nombre de navires, ce qui « jetterait de largent dans la colonie » et « causerait de lémulation ». Son plaidoyer ne fut toutefois pas pris en considération,
À cette époque, Lepage de Sainte-Claire, dont la santé était chancelante, était aux prises avec de constants soucis financiers. Il voulut rétablir sa situation et, le 12 juillet 1738, il signa un contrat dassociation avec les frères dAilleboust, de Montréal, afin de mettre sur pied une forge dans sa seigneurie. Mais il avait négligé un point essentiel, à savoir dobtenir la permission du roi, et, malgré lappui du chanoine Pierre Hazeur* de LOrme, il reçut lordre royal de ne pas donner suite à ce projet. Le roi craignait que cette nouvelle entreprise ne nuise aux forges du Saint-Maurice qui connaissaient alors de grandes difficultés financières. Lepage de Sainte-Claire se trouva dans une fâcheuse position, ses associés ayant obtenu le 29 septembre 1739 la résiliation du contrat. Labbé Lepage se vit alors dans lobligation de rembourser les sommes avancées par ses associés et de leur céder pour huit ans la jouissance de son moulin à scier. Il tenta de nouveau, mais sans succès, dintéresser les autorités à son entreprise. Dans une dernière tentative, il demanda alors la permission dexploiter les forges périclitantes du Saint-Maurice, mais, ne pouvant fournir de garanties, il vit sa proposition rejetée.
Le 15 janvier 1745, sa situation financière ne sétant pas améliorée, il vendit sa seigneurie à Louis de La Corne, dit La Corne laîné, au prix de 60 000ª, à quoi sajoutait une rente de 1 000ª devant séteindre à son décès. Létat de ses dettes annexé à ce contrat de vente, indiquait une somme de 55 268ª ; la seigneurie, selon les estimés de lépoque. valait au moins 150 000ª. En 1749, dans un dernier effort, labbé Lepage construisit un moulin à scier sur la rivière des Mille-Îles mais laffaire déclina rapidement.
Lannée suivante, il se retira dans le presbytère de Saint-Louis-de-Terrebonne, où il mourut le 3 décembre 1762, à lâge de 72 ans. Labbé Lepage de Sainte-Claire, à lexemple de bien dautres bâtisseurs qui ne pouvaient compter que sur eux-mêmes, dirigea de nombreuses entreprises sans trop se soucier des dettes quil pouvait contracter. Ses activités sur sa seigneurie et la direction de ses nombreuses entreprises ne lempêchèrent pas dexercer son ministère dans sa seigneurie et dans les paroisses voisines démunies de prêtres. Il avait aussi été curé en titre ou desservant à Saint-François-de-Sales, Lachenaie et Sainte-Rose, île Jésus. Les nombreux dons quil fit à ces différentes églises témoignent toujours de son dévouement et de son activité.Aimé Despatie
Références:
AAQ, 12 A, Registres dinsinuations B, 245, 246 ; Registres dinsinuations C, 7 ; 11B, Correspondance, II : 150 ; 1W, Église du Canada, I : 6975. AJQ, Registre détat civil, Saint-François, île dOrléans, 22 août 1690. AN, Col., C11A, 53, pp. 116123 ; 57, pp. 123128 ; 58, pp. 52s. ; 74, pp. 2731 ; Col., E, 278 (dossier Lepage) (copies aux APC). ANQ, Greffe de Pierre Duquet, 26 oct. 1681 ; NF, Aveux et dénombrements ; NF, Ord. int., I : 115. ANQ-M, Greffe de C.-F. Coron, 10 juill. 1749 ; Greffe de L.-C. Danré de Blanzy, 15 janv. 1745 ; Greffe de Pierre Raimbault, 1er oct. 1718, 2 sept. 1720 ; Greffe de Nicolas Senet, 24 janv. 1719, 24 avril 1723, 26 mars 1730, 12 juill. 1738. APC, MG 8, A7, 5 ; MG 24, L3, 7 ; 37 ; 44. Procès-verbaux du procureur général Collet (Caron), RAPQ, 19211922, 291, 369.