Le dictionnaire généalogique Tanguay contient
des renseignements intéressants sur l'origine des noms, qui se perd
quand même dans la nuit des temps. Vous vous appelez Charpentier,
Boulanger, il y a de fortes raisons de croire que l'occupation de l'un
de vos ancêtres en soit la cause. Les lieux, certains traits, auraient
joué aussi:Dubois, Lyonnais, Ducharme. Cela n'est pas particulier aux
nom français. Pensez aux Baker, aux Fisher, à tous les Smith, qui
doivent avoir pour ancêtres des commerçants et des artisans saxons
d'avant le conquête normande.
Au début de la colonie, "à l'époque héroïque", on
appelait, chez-nous, chacun par son nom. De beaux noms, hérités des
ancêtres du nord-ouest de la France, qui ont duré pour la plupart bien
que de très beaux se soient éteints avec le temps. Peu de surnoms à
cette époque. Il semble que Petit dit Bruneau et Pépin dit Lachance
aient été à peu près les seuls, dans la région de Québec en tout
cas, à faire exceptions. Quant à Bertrand Chesnay, on en parle comme
"dit La Garenne" ici, et "de la Garenne", là. Il
était évidemment facile alors, comme il le serait aussi aujourd'hui,
si nos gens s'arrêtaient à ces chose-là, de changer ainsi une
particule et ainsi devenir un petit noble!
" L'arrivée des soldats de Carignan,
en 1665, changea la situation du pays en mettant un terme aux
guerres désastreuses des Iroquois qui duraient depuis quarante
ans". Il faudrait dire aussi que l'arrivée des soldats de Carignan
nous apporta des surnoms. Il était en effet de coutume, dans l'armée,
d'appeler les soldats, mais pas les officiers, par quelque sobriquet. Le
roi offrit à ces soldats des terres, principalement dans la vallée du
Richelieu, sur lesquelles ils s'établirent et fondèrent des familles.
On eut ainsi des Lacourse, des Lapensée, des Vadeboncoeur, et quoi
encore.
La coutume des surnoms dura dans l'armée, car au
moment de la défaite, presque cent ans plus tard, on dressa la liste
d'un grand nombre de soldats français inhumés en indiquant les
surnoms.
Nos familles se multiplièrent. Il semble qu'on
ait eu peu d'imagination. Non pas qu'on en ait beaucoup plus
aujourd'hui. On est porté à croire qu'on fut alors à court de
prénoms si l'on se réfère aux généalogies des vielles familles où
les mêmes prénoms reviennent pendant cinq, six, huit
générations. Tout le monde s'appelait Charles, Joseph, Nicolas, Alexis,
Augustin. On adoptait le prénom de l'ancêtre de France qu'on
répétait à mesure que l'arbre généalogique croissait. Il faut dire
qu'on agissait de cette façon par tradition, aussi par respect pour
l'ancêtre. Mais cela devint embêtant. On eut alors recours aux
sobriquets.
Et il y eut là de la fantaisie. À Château-Richer,
Adjutor LeTartre, gratifia chacun de ses enfants d'un sobriquet qu'ils
gardèrent toute leur vie, au point qu'un étranger cherchant Untel par
son véritable nom se voyait dans l'impossibilité de le trouver
s'il ignorait le sobriquet.. Le fils ainé, bien entendu, fut baptisé
Adjutor. Il l'appela "El'blanc". sa fille Cécile,
"La Quitte". Yvonne, "Lavonne". Rose, "Coffette",
Adrienne, "Layenne", Edmond, "Ti-Bé", Rolland,
"Poléon", André, "Ti-Dé". Le cas LeTartre
n'est pas unique. Il serait facile d'en relever de semblables dans
d'autres régions.
On donna aussi des surnoms aux familles, car, dans
une communauté où une demi-douzaine de patronymes sont à la source de
toute la population ou à peu près, il est fatal que presque tout le
monde porte le même nom. On différenciait ainsi les familles de même
nom. Une branche des Gariépy était "Les Bombarlotte", une
autre "Les Prisse". Chez les Laberge, il y avait " Les
Bezeau", " Les Forcette". Les Huot se divisaient en
" les Mathurin" ," les José", " les
Pigeon"
Chez les Le François c'était " les La
Patte", " les Aleque" (Alexis?), " les Dinelle"
On est moins original aujourd'hui. Dans tous les
villages, dans tous les quartiers des villes, dans toutes les régions,
dans tous les cantons, c'est " Ti-coune" et, évidemment...
"Ti-Cul..."
Jean-Jacques Le François
Ce texte parut dans le Devoir du 19 avril 1963, puis dans les Mémoires de
la société généalogiques canadienne-française, novembre 1963 .
Extrait de "Les 300 ans de L'Ange-Gardien"(page a18)
Par Robert Lefrançois décembre 2004
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