La vie de Sébastien et de son épouse ne semble pas avoir changé
beaucoup après leur départ de Montréal pour Pointe-Claire. En se
reportant encore aux registres religieux et aux actes notariés
on se rend compte qu'ils ont continué de faire baptiser des
enfants et de faire des transactions. Mais avant, il fallait
bien remplir son devoir de tout citoyen qui habitait " Le Haut
de l'Isle ". Une ordonnance de l'intendant Bégon datée du 6
novembre 1714 fournit en fait la preuve que Sébastien Cholet
était bel et bien installé à Pointe-Claire à cette date.
C'était une ordonnance " pour faire l'enceinte de la ville
de Montréal par corvées ". Elle se lit en partie comme suit :
" Michel Bégon, Chevalier Seigneur de la Picardière, Murbelin
et autres lieux Conseiller du Roy en ses Conseils et au
Parlement de Metz, Intendant de Justice, Police et Finance
en la Nouvelle France,
Le Roy voulant que la Ville de Montréal soit enceinte
de murailles et qu'il y soit travaillé sans retardement
plutôt que de renouveller les pieux qui forment cette
Enceinte et que tous les habitants du Gouvernement de
Montréal y contribuent,
Nous avons jugé que le moien le moins a charge auxd.
Habitans pour faire ladite Enceinte est de faire lesd.
ouvrages par Corvées dans les tems ou ils sont les
moins occupés en divisant lesd. habitans par brigade
et pour y parvenir,
Nous ordonnons qu'il sera fait par les Capitaines de
milice et six des plus anciens habitans desd. Costes
en presence de Ramezay Gouverneur de Montreal et commandant
en ce païs et du Sr Raimbault que chacun desd. habitans
sera tenu de fournir pour lesd. Corvées a proportion de
ses Biens et facultés et ceux qui voudront en estre
dechargés le seront en payant pour chaque journée d'homme
a laquelle ils auront été taxés la somme de trois livres
et huit livres pour chaque journée de harnois
de deux chevaux … "
La brigade du " Haut de l'Isle " dont Sébastien Cholet
faisait partie, devait se présenter le 25 mars 1715. C'est
sous le nom de " La Violette Tiserant " que Sébastien
Cholet fut appelé. L'histoire ne dit pas s'il s'est présenté
ou s'il a préféré payer les livres exigées dans
le cas d'abstention.
À savoir par où commencer, la vie familiale ou les transactions,
comme la première de ces transactions date du 10 juillet 1722,
considérons d'abord le côté familial, soit les naissances
enregistrées à Pointe-Claire :
Marie-Joseph, le 25 mars 1714. Parrain : Antoine Dubois, maçon,
et marraine : Marie-Louise Boileau, belle-fille d'Antoine Dubois.
Cette petite fille devait être inhumée dans l'église de
Pointe-Claire le 21 avril 1714.
Sébastien, le 7 mars 1715. Parrain : Mathurin Chartier dit Lamarche
et marraine : Louise Plumereau, femme d'Antoine Dubois.
Louis, le 24 janvier 1717. Parrain : Louis Chartier et marraine :
Marguerite Bénard, femme de Mathurin Chartier. Louis, alors qu'il
était âgé de 12 ans, étant en péril de mort, fut ondoyé à la
maison par Louise Plumereau, femme de Dubois. Il fut inhumé à
Notre-Dame de Montréal le 12 juillet 1729.
Joseph, le 19 avril 1719. Parrain : Joseph Dubois, fils d'Antoine
et marraine : Marie Cholet, la sœur aînée de Joseph. Il vécut
à peine plus d'un mois car il fut inhumé le 27 mai 1719 à
Pointe-Claire.
Marie-Joseph, le 10 mai 1720. Parrain : Jean-Baptiste Charlebois
et marraine : Marie-Madeleine Dubois. Marie-Joseph devait elle
aussi mourir en bas âge, soit à 8 ans. Elle fut inhumée à
Pointe-Claire le 8 avril 1728.
Jacques, le 25 mars 1723. Parrain : Jacques Séguin et marraine :
Marguerite Césire. Jacques, le onzième et le cadet de la famille,
eut plus de chance que plusieurs de ses frères et sœurs. Il se
maria le 30 janvier 1747 à Toinette-Amable Legot, fille de
Charles Legot dit Délaurier et de Marie-Joseph Dubois. Leur
contrat de mariage fut rédigé par l'abé Jacques-Joseph Gladel,
au presbytère de Pointe-Claire, le 28 janvier 1747. L'acte fut
déposé au greffe du notaire L.C. Danré de Blanzy le 21 mars
de la même année. Le contrat dit en particulier : " Le futur
époux déclare avoir une terre à la Pointe-Claire de 2 arpents
sur 20; 1 arpent sur 20 qu'il a eu de sa mère, Marianne
Prévot, moyennant une pension. Et l'autre de 1 arpent sur
20, de Jean-Baptiste Legot, son beau-frère, de qui il l'a
acheté. Tenant en front au Lac Saint-Louis, par arrière aux
terres de la Côte Saint-Jean, d'un côté à Jean-Baptiste
Cholet et d'autre côté à Joseph Trottier, avec maison,
grange et 14 arpents de terre labourable ".
Sébastien Cholet a certainement travaillé fort sur sa terre
depuis son arrivée à Pointe-Claire en 1714 et amélioré sa
propriété parce qu'en 1722 et 1723 il est en mesure de faire
deux transactions importantes. Il s'agit dans chaque cas
de Concessions par les Seigneurs de Montréal à Sébastien
Cholet.
Le premier contrat daté du 10 juillet 1722 comporte à
peu près le même préambule que celui du contrat du 20
janvier 1707. Cette fois-ci on peut lire :
" … a Volontairement reconnu Et Confessé avoir Baillé Et
Concédé a titre de Cens Et rente Seigeuriale non rachetable
des Maintenant Et a toujours a sebastien Cholet d. la
Violette habitant de la grande ance a ce present et acceptant
preneur aud. Titre pour luy Ses hoirs Et ayant Cause la
Continuation des terres que led. Cholet possede aud. Lieu Et
de Celles des nommé Bigras et lamarche en Suivant le rumb de
Vent des Voisins Sur la profondeur qui Se trouve depuis le
bout des terres desd. preneur, Lamarche et Bigras Jusqu'au
flanc des terres des habitations de la Cote S.t Remy le tout
supposé qu'aucunes desd. continuations n'ayt pas Eté Concedées
a d'autres, Mond. s.r de Belmont N'Entendant rien Conceder au
prejudice des precedentes Concessions, tenant la totalité
d'un bout au bout desd. terres de cholet Bigras et lamarche
d'autre bout au côté des terres de la Cote St Remy Ainsy que
le tout Se poursuit Et Comporte pour en joüir faire Et
disposer par led. Acquereur ses hoirs ou ayans Cause Comme
bon leur semblera de ce jour a lavenir En toute propriété
aux charges Et Conditions Servitudes Et rezerves cy apres
Scavoir de defricher dans un an dhuy donner du descouvert
aux deserts de ses voisins a Mesure qujls En auront Besoin
Souffrir tous les chemins que lesd. S.rs seigneurs jugeront
a propos Sur lesd. terres Et faire Un chemin Sur la deventure
ou jl sera Marqué Et lentretenir praticable faire moudre ses
Grains aux moulins desd. S.rs Et Non a dautre a peine de
Confiscation desd. Grains Et Meme de payer le droit de Mouture
aux Meuniers desd. Srs Seig.rs de Montreal pour les Grains que
led. Preneur ses hoirs ou ayans Cause auront faits moudre a
dautre Moulins Et que lesd. Sieurs seigneurs se reservent de
prendre Sur lesd. terres les pierres de Moulange qui Sy
trouveront Et tous les bois de charpente dont jls auront besoin
pour leur Bastimens clotures Et ouvrages publics Et encor Un
arpent du bois debout qujls pourront prendre faire Couper Et
Enlever par qui Et quand bon leur semblera Une fois Seulement
En prenant led. Arpent au plus près des Deserts ou le bois naura
ete Couru par chaque Soixante arpens ou a proportion Sans En
Rien payer Et encor a la charge den payer par chacun an auxd.
S.rs seigneurs de Montreal En leur hotel seigneurial En leur
recepte ou au porteur aud. Villemarie Dix Sols Et Un demy
Minot de Bled froment bon Sec Net Loyal Et Marchand rendu Et
porté dans les Greniers ou se fera lad. Recepte pour chaque
vingt arpens de Superficie desd. terres payable au onzieme
9.nre Le tout de Cens Et rente Seigneuriale dont la premiere
anné de payement Eschera au onzieme 9.bre de lanné Mil Sept
Cens vingt trois, Et Continuer de la en avant tant Et Si
longuement que led. Preneur Sesd. Hoirs ou ayant cause Seront
posseseurs Et detempteurs de tout ou partie desd. terres Led.
Cens portant profit de Lots Et Vente Saisine Deffauts Et
amendes avec tous autre droits Seigneuriaux quand le Cas y
Eschera Suivant la Coutume de paris Sera ausy Tenu led.
Preneur de faire jncesament Mesurer aligner Et Borner lesd.
terres dans toute la largeur Et profondeur Et fournir
Un proces Verbal desd. alignements Mesures Et Bornages dun
juré arpenteur A ses Dépens a peine de tous depens Domages
et jnterests Et led S.r Bailleur sest ausy reservé Et retenu
droit de preference pour retirer lesd. Terres En Cas de
Vente du Tout ou partye En Rembourçant le prix de
Lacquisition Et Loyaux Couts … "
Après l'expérience acquise depuis 1714 sur sa terre de Pointe-Claire,
Sébastien Cholet savait certainement à quoi il s'engageait en signant
un tel contrat qui l'obligeait à respecter différentes clauses contraignantes.
Ce contrat nous donne l'occasion de nous faire une idée des conditions
de vie à l'époque et de réaliser l'existence pénible de ceux qui ont
défriché l'île de Montréal avec les moyens rudimentaires à leur disposition.
Sébastien Cholet avait eu le temps d'atteindre un certain degré de
développement parce qu'il était astreint à faire moudre son grain au
moulin seigneurial, à entretenir son chemin et ses clôtures, à faire
borner son terrain par un arpenteur reconnu, etc.
Moins d'un an après l'acte notarié précédent, Sébastien Cholet se présente
de nouveau " Pardevant Le Notaire Royal de Ljsle " pour une nouvelle
Concession par les Seigneurs de Montréal à Sébastien Cholet. Le contrat
date du 18 mai 1723 et comporte à peu près le même préambule que pour
les deux " Concessions " précédentes. On peut lire en particulier :
" … des Maintenant Et a Toujours A Sebastien Cholet habitant de la
grande ance en cette Isle a ce present et acceptant preneur aud. Titre
pour luy Ses hoirs et ayant cause a l'avenir Une terre de trois arpens
de front Sçise A la Cote S.t Jean en cette Isle de la Contenance de
trois arpens de front Sur la profondeur de la Moitié de la distance
qui Se trouve entre les terres de la Commune de lad. Cote S.t Jean Et
les terres de la Commune de la Cote S.t Remy, tenant d'un Coté a Jean
baptiste Parant et d'autre Coté aux terres de l'habitation destinée
pour la Cote S.te genevieve Comme ausy Mond. Sieur de Belmont accorde
aud. Preneur Ce acceptant droit En la susd. Commune pour paccager ses
Bestiaux Comme les autres habitans de lad. Cote tant vis a vis de lad.
Habitation que de Celles qui Sont données ou se Donneront a lad. Cote
pour De lad. Habitation Et droit de Commune joüir faire Et disposer
par led. Preneur … "
Pour remplir les conditions d'un contrat précédent, Sébastien Cholet
devait voir à l'arpentage de sa terre par un arpenteur certifié. Ainsi,
ce contrat du 18 mai 1723 est accompagné d'un Verbal de bornage de
cebastien Cholet daté de la veille, soit du 17 mai 1723. Il est plus
facile à comprendre si on le lit tout haut ! Le voici :
" Jay Soub Signé arpenteur juré residant a ville Marie certifie a tous
quil apartiendra que ce quatorsieme jour du mois davril de lané mil cet
cens vin et deux a la requeste de mon Sieur cheze esconnome du Seminaire
Me suis transporté expres dan la cote S.t Jean dans lile de Montroial
dans la proffondeur derriere la grand ance pour borner une terre concedé
ce mesme jour a cebastien cholet de trois arpan de front et de profondeur
la Moitiés de la distance qui ce trovera antre la ligne de la dit cote
et la ligne de la cote S.t remy joignant dun coté du nort ouest au bous
de la cote S.te genevieve et du coté du Sud est a une tere promise a
baptiste parant par deux ligne paralele qui cour au lest nort est de
la bousol et Sur chacune des dit ligne jay posé deux borne de piere
Savoire les deux premiere anviront a dis huit pied de la ligne de
la dit cote et les deux autre environt a un demis arpen des deux
premiere et ay mis pour tesmoins au dit borne des piere cacée en foi
de quoy jay Signé le presan verbal fait a ville Mari le vint quatre
davril Mil cet cent vint et deux J. B. Angers "
Sébastien Cholet devait avoir de grandes ambitions pour l'avenir
parce qu'il se porta de nouveau acquéreur d'une terre d'après le
contrat passé le 27 mai 1725 devant le Notaire Royal, P. Raimbault.
Il s'agit cette fois d'une Vente par Marie Prézeau épouse de Pierre
Clément à Sébastien Cholet. On décrit ainsi sa nouvelle acquisition :
" … a sebastien cholet dit laviolette tisseran et habitant demeurant
à la cote de la grande ance paroisse de la pointe Claire en cette Isle
A ce present et acceptant acqquereur pour luy Ses hoirs et ayans
cause a l'avenir Une terre de quatre arpens de front sur vingt arpens
de profondeur Scize au Meme lieu tenant d'Un bout pard.t au lac S.t
Loüis d'autre bout par derriere aux terres Concedées au Nommé Bône,
d'un Coté a la terre de françois Bône et d'autre Coté a Celle de Girard
ainsy que lad. Terre Se poursuit Et comporte auxd. Clement et sa femme
appartenant sçavoir Moitié par succession Echüe a lad. Presot par le
deced de Ses pere Et mere et l'autre Moitié par acquisition que led.
Clement et Sa femme en ont fait de Marguerite Presot sa sœur a laquelle
Elle Etoit aussy Echue par le deceds de leurd. Pere et Mere … "
Le temps des acquisitions était dès lors terminé et Sébastien Cholet
pouvait voir à l'établissement de ses enfants. Le mariage de sa fille
Marie-Anne à Jean-Baptiste Legault fut l'objet d'un contrat passé le
27 décembre 1725. L'époux, fils de Noêl Legault et de Marie Ménard de
Lachine, possédait une terre à Pointe-Claire " de trois arpens de
large et de vingt cinq environ de profondeur cituée dans la
cotte des Sources … "
Sébastien Cholet était présent le 24 janvier 1727 lors du contrat passé
devant le notaire P. Raimbault relatif à la Vente par François Beaune
à Jean-Baptiste Cholet. Le vendeur était accompagné à cette occasion
de sa femme, Marie-Anne Lalande. La terre en question est
décrite comme suit :
" La quantité de sept arpens de front sçise a la pointe Claire En cette
ditte Isle sur la profondeur qui Se trouvera depuis Les terres dud.
Vendeur Et celle dudit cholet pere Jusqu'au flanc des terres de la Côte
Saint Jean, tenant La totalité d'un bout pardevant partie aux terres
Restantes ausd. Vendeurs et Partie aud. Cholet pere et par derriere
aux terres de lad. Côte Saint Jean, d'un Côté a la Continuation de
La terre de Charles parent Et d'autre part aux terres aussy
Restantes aus dits Vendeurs … "
Comme son père, Jean-Baptiste Cholet eut onze enfants, tous nés à
la Pointe-Claire. Le cadet, Thomas, y est né en 1750. La terre qu'il
avait achetée n'était sans doute pas assez grande pour y établir
tous ses enfants. Deux de ses garçons se sont établis à Vaudreuil.
Par la suite on a assisté à une migration vers l'ouest, en passant
par Rigaud, St-Polycarpe et autres endroits rapprochés pour atteindre
éventuellement l'ensemble du Canada et une partie des États-Unis.
Quant à l'ancêtre Sébastien Cholet, il décéda le 14 avril 1728. La
cérémonie des funérailles fut présidée par le curé Jean-Baptiste Breul,
Sulpicien, devant les témoins Joseph Charlebois, Jean Beaune et l'ancêtre
Antoine Dubois, époux de Louise Plumereau.
Ann Heard se remaria à Pointe-Claire le 1er août 1730 avec Claude Sansart,
dit le Petit Claude, soldat dans les troupes de la Marine. Après le décès
de celui-ci le 25 décembre 1739, Ann Heard alla demeurer chez son fils
cadet Jacques qui se maria à Pointe-Claire le 28 janvier 1747. Elle
devait y décéder et fut inhumée le 2 janvier 1750. L'abbé Simon-Louis
Perthuis, Sulpicien, signa l'acte dans le registre de Pointe-Claire.
Les nombreux descendants, féminins et masculins, de Sébastien Cholet
et de Ann Heard se comptent par milliers et se trouvent non seulement
partout au Canada et aux États-Unis mais également dans le
reste de l'Amérique et en Europe.