Mariage avec Ann Heard
Les premiers renseignements disponibles sur Sébastien Cholet depuis
son arrivée au Canada se retrouvent dans les registres de l'église
Notre-Dame de Montréal, en date du 19 octobre 1705. Selon l'acte de
mariage inscrit par l'abbé Yves Priat, sulpicien, il épousa ce jour-là
Ann Heard, une jeune anglaise née en 1681 à Cocheco en Nouvelle-Angleterre,
près de l'actuelle ville de Dover au New Hampshire. Elle était la
fille de Benjamin Heard et de Elizabeth Roberts.
À l'époque où le comte Louis de Buade Frontenac était gouverneur
de la Nouvelle-France, les relations avec la Nouvelle-Angleterre
étaient très tendues. Rappelons-nous le massacre de Lachine en 1689
et la venue de Phipps devant Québec en 1690. On organisait d'un côté
comme de l'autre des expéditions qui donnaient lieu à des massacres
et à des prises d'otages. Lors d'une telle expédition par des Indiens
appelés Loups et des Canadiens, Ann Heard fut capturée le 26
janvier 1692 et amenée prisonnière à Montréal. Elle fut confiée
au maître-armurier Pierre Prud'homme. Baptisée et confirmée le 10
avril 1694 à l'église Notre-Dame de Montréal, elle avait comme
parrain le chirurgien Jean Martinet dit Fonblanche et comme marraine
Anne Châles, épouse de Pierre Prud'homme. Les autres renseignements
à son sujet remontent à son mariage avec Sébastien Cholet car rien
ne nous est parvenu sur leurs fréquentations !
Deux jours avant leur mariage, le 17 octobre, les futurs époux se
présentèrent devant le notaire Adhemar pour la rédaction de leur
contrat de mariage. Sans doute pour éviter des ennuis à la future
épouse, le notaire inscrivit la clause suivante à l'effet qu'ils
se mariaient selon la coutume de Paris car, selon cette coutume,
un étranger naturalisé et tous ses enfants nés ailleurs qu'au pays
perdait la grâce du roi s'ils allaient résider hors du royaume :
Dans ce contrat de mariage le nom de famille de la mariée est
écrit " herde ". Dans les nombreux actes subséquents, dont les
certificats de baptême, le nom " Heard " a causé de nombreux
ennuis aux rédacteurs de ces actes, dont les missionnaires et
prêtres. Ainsi, lors du baptême de Marie-Anne-Joseph le 27 février
1711, l'abbé François Vachon de Belmont inscrit le nom de la
mère comme étant " Marie-Anne " seulement, sans nom de famille.
Le 25 mars 1714, l'abbé Pierre Lesueur, curé de Pointe-Claire,
inscrit dans le registre paroissial " Marie-Anne Anglaise ".
Le 24 janvier 1717, l'abbé Pierre-Elie Déperet écrit " Marianne
Anaherde ", et, en 1719 et 1720 il inscrit " Marie Anaherde "
Sans doute pour en finir avec toutes ces difficultés, l'abbé
Jean-Baptiste Breul, curé de Pointe-Claire, décida qu'à partir
de 1721 Marie-Anne Herd s'appellerait dorénavant Marie-Anne
Prévost. C'est le nom qu'elle conserva par la suite.
En fait, pour connaître la meilleure façon d'épeler le nom "
Heard " c'est sans doute de se référer à la page 321 de la
Encyclopedia of Maine and New Hampshire où on écrit bien le
nom comme " Heard ". Il ne peut y avoir de doute sur l'identité
car on mentionne bien le nom du père, Benjamin,
et celui de Ann, née en 1681.
Le mariage fut donc célébré le 19 octobre et la bénédiction nuptiale
donnée par le sulpicien Henry-Antoine Mériel. Était présent
Philippe Robitaille, époux de Madeleine Warren native de Dover
au New Hampshire. Celle-ci était sans doute une amie de la mariée
et capturée en même temps qu'elle en 1692. Il faut noter qu'à l'époque
il y a eu de nombreuses personnes capturées en Nouvelle-Angleterre
et emmenées au Canada où elles ont fait souche. Le livre par Marcel
Fournier, De la Nouvelle-Angleterre à la Nouvelle-France, en témoigne
: " Quatre cent cinquante cinq prisonniers de guerre ou captifs des
Amérindiens et des Français proviennent de la Nouvelle-Angleterre et
des colonies américaines. La plupart se sont intégrés à la nation
québécoise, leurs ancêtres ayant été baptisés par les missionnaires
et élevés dans des familles de langue française ". Étaient également
présents à la cérémonie, Nicolas Jenvrin, Jean Lacroix, Jean Hervé
et le grand vicaire François Vachon de Belmont.
Les époux s'établirent à Montréal, rue Saint-Paul. Grâce à des documents
qui ont été bien conservés, plus particulièrement les registres religieux
et les actes notariés, il nous est possible aujourd'hui d'obtenir
certains renseignements sur les activités de nos ancêtres. Ainsi,
un acte du 14 mai 1706 devant le notaire Adhemar : " Bail à loyer par
Jean Caillault à Sébastien Cholet ". Il est intéressant d'en reproduire
les premières lignes :
On peut noter que Sébastien Cholet est devenu " Bastien Chollet " auquel
on ajoute le surnom de Laviolette, comme dans son contrat de mariage.
De plus on le dit tisserand comme dans plusieurs contrats subséquents.
Aurait-il appris ce métier avant son départ de France, à Cholet, la
ville justement renommée pour ses tissages … et les fameux mouchoirs
de Cholet. D'après ce contrat, le prix de la location était de 180
livres par année payable pour la moitié de six mois en six mois. Un
vice quelconque devait être présent parce que la durée du contrat qui
devait être de neuf ans a été ramenée à quatre jours seulement !
L'année suivante, le 20 janvier 1707, un autre contrat devant le notaire
Adhemar " Vente par Jean Régnier à Sébastien Cholet ". Il s'agit ici
d'un contrat important et mérite que l'on
en reproduise la première partie :
Il s'agit donc de l'achat d'une terre de trois arpents de front
sur le bord du lac St-Louis, par vingt de profondeur, à un endroit
qui devait devenir Pointe-Claire. L'absence de bâtiment sur
cette terre explique l'installation de la famille Cholet à cet
endroit en 1714 seulement. Par ailleurs la mention des voisins
Chartier d'un côté et Dubois de l'autre sera très utile comme
on le verra plus tard
Quatre années se sont écoulées avant que Sébastien Cholet soit
partie à un autre contrat, daté du 11 juillet 1711. Il s'agit
d'une Concession par les Seigneurs de Montréal à Sébastien Cholet.
C'est la première de trois concessions portant le même titre
et le préambule dans chacun des actes
se lit à peu près comme suit :
Par ce contrat Sébastien Cholet achetait un terrain de quarante
pieds de front seulement sur la rue Notre Dame, en direction du
coteau St-Louis. Avait-il l'intention de s'y construire plutôt
que sur la terre qu'il avait achetée en 1707 ? La réponse vient
deux ans plus tard lorsque le 11 septembre 1713, selon l'acte
devant P. Raimbault, Sébastien vend ce même
terrain à Vicent Tudault farinier.
Pendant tout ce temps les époux Sébastien Cholet et Ann
Heard ont fait baptiser cinq enfants à l'église
Notre-Dame de Montréal :
C'est ainsi que la vie de la famille Cholet s'est passée à
Montréal car à partir de 1714 ils sont rendus à Pointe-Claire
et continuent d'être actifs.
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