Pierre Auclair et Marie-Madeleine Sédilot

ans le contrat de mariage que Suzanne Aubineau signe avec Mathias Campagna, son second mari, il est dit que ses garçons, Pierre et André Auclair, seront nourris et entretenus jusqu’à ce que l’un et l’autre aient atteint l’âge de 15 ans. À ce moment, Pierre a 12 ans. Au cours de l’hiver qui suit, lorsque le recenseur passe à l’île d’Orléans, Pierrre ne demeure pas avec sa famille. Il ne figure nulle part ailleurs. On ne le retrouve qu’à l’âge de 19 ans, lorsqu’il entreprend de s’établir.

À l’été 1674, il s’achète une terre à la Petite-Auvergne, au sud de Charlesbourg. Il y fait de la culture, mais pas assez pour pouvoir rembourser l’emprunt à court terme qu’il a contracté. Il revend sa terre l’année suivante. En 1677, il devient propriétaire d’une terre à Saint-François de l’île d’Orléans, à côté de sa famille. Il n’y reste qu’un an.

Au printemps 1678, il s’achète une terre dans le rang Saint-Bernard, seigneurie de Saint-Ignace, à l’ouest de Charlesbourg. Cette fois, l’endroit lui convient et il se marie. Il choisit pour épouse Marie-Madeleine Sédilot, l’aînée d’une famille  de quatre enfants, de Sainte-Foy.

Bien que née de parents pauvres, Marie-Madeleine a eu le privilège de faire deux séjours comme pensionnaire chez les Ursulines de Québec, pour un total de 240 jours. Elle y a appris à lire et écrire, mais également son futur rôle d’épouse. Elle sera une mère exceptionelle, tant pour le nombre d’enfants qu’elle mettra au monde que pour les valeurs chrétiennes qu’elle leur transmettra. 

Lorsqu’elle se marie, elle a 14 ans, Pierre en a 24. La signature du contrat a lieu à Québec, chez l’un de ses oncles. Nous ignorons où et quand a lieu le mariage. Le contrat ayant été fait en mars, il est probable qu’ils se sont mariés en avril, le carême terminé. 

Une fois marié, il est probable que Pierre poursuit le défrichement de sa terre et y construit une maison provisoire, mais il ne semble pas que Marie-Madeleine y demeure. À l’automne 1680, lors du recensement, elle est chez ses parents, à Sainte-Foy. Pierre n’y figure nulle part. Au mois de mai suivant, il reçoit à Québec le sacrement de confirmation des mains de Mgr de Laval. Bien que le couple se dise résidant à Charlesbourg, c’est à Québec que sont baptisés leurs deux premiers enfants. Les enfants qui suivent sont baptisés à Charlesbourg à partir de 1684, ce qui concorde avec la tradition orale selon laquelle la maison ancestrale aurait été construite cette année-là.

En 1683, Pierre Auclair a acheté la terre qui borde la sienne du côté ouest. Le propriétaire, Pierre Meunier, qui deviendra un riche farinier de Québec, projetait de s’y construire. Il est possible que le plan d’une vaste maison en pierre vienne de lui, de même que le bois qui aurait servi à une première étape dans sa construction. Sur cette terre, les hospitalières de l’Hôtel-Dieu projetaient de construire le moulin banal de la seigneurie de Saint-Ignace. La construction de ce moulin tardant à venir (il ne sera construit qu’en 1695), Pierre Meunier aurait abandonné son projet et aurait vendu sa terre à son voisin, Pierre Auclair. La maison construite par Pierre Auclair existe encore.

On aurait pu croire qu’avec deux lots à défricher, Pierre Auclair s’en tiendrait là au chapitre des transactions. Il n’en est rien. Dix nouveaux contrats nous révèlent qu’il continue d’acheter, de vendre, d’échanger, de louer des terres. Son principal revenu n’est pas l’agriculture, mais le bois. Il vend des bardeaux de cèdre et des clôtures de perches. Il fabrique du charbon de bois. Il vend du bois de chauffage et du bois de construction. 

Le couple Auclair-Sédilot met au monde dix-sept enfants. Ce nombre n’est pas exceptionnel, car sous le régime français, pas moins de trente-huit familles comptent dix-sept enfants et plus du même lit. Ce qui est exceptionnel, c’est le nombre d’enfants qui se consacrent au service de l’Église. Deux garçons deviennent prêtres et cinq filles deviennent religieuses, soit quatre à l’Hôtel-Dieu de Québec et une à l’Hôtel-Dieu de Montréal. 

Au séminaire, les deux fils de Pierre Auclair ont côtoyé Mgr de Laval. L’un d’eux, Pierre, qui deviendra curé de Saint-Augustin, a hérité d’une calotte ayant appartenu au saint évêque. À la mort du curé, ses effets personnels reviennent à la maison paternelle, à Charlesbourg. La calotte est remisée dans le grenier. En 1877, l’abbé Joseph Auclair, curé de la basilique de Québec, en visite à la maison ancestrale, apprend l’existence de cette relique. Il obtient qu’on en fasse don au Séminaire. En souvenir de ce don, deux photos de la calotte sont prises au studio Livernois. Ces photos sont conservées à la maison Auclair-L’Heureux. Quant à la calotte, elle se trouve maintenant au Musée de la civilisation.

Pour ce qui est des autres enfants, trois décèdent en bas âge en 1703, lors d’une épidémie de petite vérole. Trois filles se marient et demeurent près de leurs parents. Deux garçons se marient. Charles, qui aura une abondante descendance, s’établit le troisième voisin de son père. Comme les parents vivent vieux, ils voient tous leurs enfants quitter la maison, sauf Jean-Baptiste, le quinzième, qui hérite du bien paternel. S’étant marié en 1733, il introduit au logis une jeune épouse qui redonne vie à la maison en la repeuplant d’enfants.

Pierre Auclair décède en 1741, à l’âge de 86 ans. Marie-Madeleine Sédilot décède en 1745, à l’âge de 79 ans. Leur longévité et leurs réalisations nous autorisent à conclure qu’ils étaient doués d’une vitalité exceptionnelle. 
 
 

© Association des Auclair d'Amérique