Société d’histoire de Lachine

 
 
Les Patriotes et les événements de 1838 à Lachine

Par France Bertrand


Les Patriotes et les événements de 1838 à Lachine
Que pourrait bien nous raconter un Patriote de 1837-1838 ? Il nous parlerait de ces années troublées qui sont l’aboutissement d’un profond mécontentement de la part des habitants du Canada. À l’époque, on réclamait le gouvernement responsable et les mêmes privilèges que les Britanniques. Afin de prouver le sérieux de sa démarche, le Parti patriote dépose les 92 résolutions le 17 février 1834, mais elles sont finalement refusées par Londres. Beaucoup de Canadiens ripostent alors en boycottant les produits importés d’Angleterre et on organise des assemblées de protestations qui servent, entre autres, à stimuler le sentiment patriotique. Des insurrections éclatent en 1837-1838 et, malgré la victoire de Saint-Denis, le bilan se résume à une écrasante défaite.
Lorsqu’on pense aux régions touchées par la Rébellion, on oublie la paroisse de Lachine. Pourtant, bien qu’elle ne fût pas le “haut lieu ” du mouvement de révolte, les Lachinois y prirent part, autant du côté des patriotes que du côté des opposants. Afin d’apprécier cette participation lachinoise aux Troubles de 1837-1838, nous débuterons par une brève présentation de Lachine et de ses environs, puis nous verrons les principaux événements qui s’y déroulèrent. Finalement, nous découvrirons que plusieurs de ces patriotes étaient originaires de Lachine ou apparentés à des familles qui étaient établies à cet endroit depuis fort longtemps.
Le contexte géographique de Lachine
La situation géographique de Lachine
La paroisse des Saints-Anges de Lachine est située au sud-ouest de Montréal. Elle comprend les terres sises entre Pointe-Claire et le fief de Verdun. Lachine est bordée au sud par le Lac Saint-Louis, dont le nom est un hommage à un camarade de Samuel de Champlain qui s’y noya en 1611. Dans la partie le plus à l’est de la paroisse, il y a les Rapides de Lachine qui descendent en escalier vers le courant Sainte-Marie de Montréal. Les rapides viennent rompre le cours du fleuve, ce qui empêche la communication avec Montréal et ralentit le commerce des fourrures. Jacques Cartier décrivait ainsi les rapides  lors de son voyage: «ung sault d’aue le plus impetueulx qu’il est possible de veoir…»[i]. C’est à cause de cet obstacle majeur que Lachine s’est développée à cet endroit. Celle-ci est la troisième paroisse fondée sur l’île de Montréal en 1676, la première étant Ville-Marie en 1642 et la seconde, l’Enfant-Jésus de la Pointe-aux-Trembles en 1674. Les habitants s’installent le long du fleuve Saint-Laurent[ii] . À l’époque, la plupart des gens sont cultivateurs, commerçants, trafiquants de fourrures ou aubergistes.  La principale activité économique de l’emplacement est la traite de la fourrure et elle le restera jusqu’à la fin du XIXe siècle. Afin de contourner les rapides de Lachine, on construit en 1821 un canal qui va de la paroisse de Lachine jusqu’au port de Montréal. En 1825, la population de Lachine était de 1405 habitants.
Autour du lac Saint-Louis
En 1837, la navigation sur le lac Saint-Louis est le seul moyen de transport entre Lachine et la rive-sud, qui comprend Beauharnois, Caughnawaga et Châteauguay. Avant la construction du pont Honoré-Mercier, les habitants traversaient en “steamboat” ou à la manière indienne, en canot. La vie économique autour du lac Saint-Louis est toujours reliée à Lachine. À titre d’exemple, les Amérindiens de Caughnawaga y achetaient du rhum illégalement et les autres paroisses de la rive-sud y faisaient des transactions de toutes sortes. Voici un exemple pris en 1828 chez la famille Lachapelle du Bas-Lachine. Selon l’historien Denis Gravel: «Lachapelle père signe une entente avec Jean-Baptiste Côté, couvreur en bardeaux de Châteauguay… Par l’entremise de Joseph Roy et Jean-Baptiste Poirier, de la paroisse de Saint-Clément de Beauharnois, il acquiert les matériaux de construction.»[iii] À la fin du 18e siècle, il y a ce qu’on peut appeler un accroissement de la population établie depuis fort longtemps. Dans certaines familles, à cause du manque de place, certains iront s’installer sur la rive-sud, tandis que des terres de Lachine seront rachetées par des Britanniques venus d’Écosse. Les terres les plus belles et les plus convoitées étaient situées le long du chemin du Roy. Par exemple, le lot 480, qui est l’ancien Fort Cuillerier, passe aux mains de la famille Fraser, dont John, est le deuxième lieutenant des volontaires loyaux du Bas-Lachine.
Les événements de Lachine
Des armes entreposées à Lachine
En 1837, il ne se passe presque rien à Lachine. La plupart des événements de l’année 1838 se sont déroulés sur la rive-sud du lac Saint-Louis, particulièrement durant le mois de novembre 1838. Déjà le 15 décembre 1837, une rumeur avait annoncé la venue à Lachine des Rebelles de Saint-Eustache, venus soi-disant saisir armes et couvertures entreposées à la compagnie de la Baie d’Hudson, à l’intention des volontaires loyaux de l’armée britannique cantonnée à Lacolle et à Odelltown. Le “Lachine Troop of Cavalry” [iv] fit appel aux Agniers de Caughnawaga qui arrivèrent en canot, acclamés par les troupes. On fit même évacuer les femmes et les enfants dans les fermes du Bas-Lachine. Finalement, après toute cette excitation, ce fut une fausse alerte !… Aucun rebelle ne se présenta à Lachine.
L'arrestation de Cardinal et Duquette
Les troubles se font sentir au matin du 4 novembre 1838. Les Amérindiens de Caughnawaga reçoivent la visite de Patriotes, venus saisir des armes. Cette manoeuvre avait pour but de désarmer les Agniers afin d’empêcher qu’ils s’associent avec les Anglais de Lachine. À la tête des Patriotes, Jean-Narcisse Cardinal et Joseph Duquette tentent d’entamer des négociations. Par malheur, une vieille femme indienne cherchant sa vache tomba sur d’autres Patriotes cachés dans les buissons et armés jusqu’aux dents. À ce moment, les Amérindiens se rendent compte de la mauvaise foi de ces derniers. Ils en capturèrent soixante-quatre. Puis, ils traversent le lac Saint-Louis pour aller les livrer au “Lachine Troop of Cavalry”. Ces derniers se rencontraient à la taverne Laflamme, devenue en quelque sorte, leur quartier général. Par ailleurs, la caserne était  située près du moulin Fleming et de l’église des Saint-Anges, juste au pied où le chemin croise pour aller à la côte Saint-Paul, ce qui signifie une distance d’environ un demi-kilomètre entre le moulin et l’église. On fit marcher les prisonniers ligotés deux par deux, escortés par les militaires.[v] Pour ouvrir la marche des prisonniers qui avançaient en silence total, dix troupiers, montés sur chevaux, casqués de peaux d’ours et armés d’épées se trouvaient placés au devant. Il y en avait aussi dix qui fermaient la marche. De chaque côté du cortège, se déplaçaient 30 fantassins armés de baïonnettes et qui ne se gênaient point pour intimider leurs sujets de gloire. La marche emprunte le chemin qui se rend à la Côte Saint-Paul.[vi] Voilà une longue et pénible marche qui s’éternisa plus de trois heures dans la boue qui montait jusqu’aux chevilles des prisonniers. Lorsque les Patriotes furent rendus à la route des Tanneries Saint-Henri, aux limites de la paroisse de Lachine, la rumeur de leur arrivée s’était déjà répandue. Des centaines et des milliers d’anti-patriotes attendaient pour leur servir un accueil approprié. Bombardés de projectiles et d’injures, trempés, épuisés et toujours traînés par la corde qui les liaient, les futurs condamnés trébuchaient. Le long de la rue Notre-Dame, avec leur escorte qui s’efforçait d’ouvrir le chemin, ils devront traverser un passage étroit à travers une foule qui les frappait à coups de poing. Meurtris de coups et couverts de crachats, humiliés, ils titubèrent jusqu’à la prison située au pied du courant Sainte-Marie. Les volontaires de Lachine se dirigèrent vers le “Grant’s Hotel”, à Saint-Henri, pour se rafraîchir et festoyer avant de reprendre la route pour Lachine. Pour leur part, les Amérindiens de Caughnawaga regrettèrent leur geste quelques semaines plus tard lorsqu’ils apprirent la condamnation à mort de Duquette et Cardinal. Ils envoyèrent une pétition à Sir John Colborne, le gouverneur général, pour demander leur grâce[vii]. La pétition ne donna pas les résultats escomptés, puisque les deux Patriotes ont été pendus le 21 décembre 1838.
La prise du vapeur Henry Brougham
De ces bateaux qui voguent sur le lac Saint-Louis, il y a le “steamboat Henry Brougham”. Il fait le service entre Lachine et les Cascades en passant par Beauharnois. Ce bateau avait pour fonction de transporter la poste du Haut-Canada vers le Bas-Canada, ainsi que des voyageurs qui se rendaient à Montréal par affaire ou pour rendre visite à la famille. Le matin du 5 novembre 1838, les Patriotes s’apprêtent à capturer le bateau. Une fois le vapeur accosté au quai, les Patriotes s’empressent de le prendre d’assaut. Seul l’équipage était réveillé; les passagers dormaient profondément. Une fois réveillés, ces derniers ressentent de l’inquiétude et la peur. Les femmes pleuraient et criaient. C’est ce que nous raconte un témoin, François-Xavier Prieur: «c’était une scène lamentable et qui faisait de la peine à voir »[viii].  Personne ne résista et les soixante occupants furent faits prisonniers. On retrouve entre autres à bord John Grant, un important fermier, commerçant et lieutenant des volontaires loyaux de Lachine. Il possédait un hôtel à Saint-Henri et une demeure à Lachine. Ses deux propriétés avaient été mises au service des Écossais. Plusieurs familles écossaises se rendaient chez lui en arrivant au Canada. De plus, le courrier en provenance de l’Écosse transitait chez lui. Comme tous les autres voyageurs, malgré sa notoriété, il fut fait prisonnier et amené soit au presbytère du village, soit à l’hôtel Prévost. Une fois le bateau déserté, les Patriotes le firent couler au quai de Beauharnois.
Les Volontaires de Lachine brûlent Châteauguay
Un mois plus tard, soit le 10 décembre 1838, les volontaires loyaux de Lachine[ix]  réunissaient leurs hommes afin de capturer les Patriotes délateurs[x] disséminés dans Châteauguay. Prévenus de l’arrivée de la cavalerie par des sympathisants de Châteauguay, les patriotes prirent la fuite. On avait même fait monter quelques chevaux à l’intérieur d’un traversier qui les amena à Caughnawaga, le point de rencontre avec les Agniers. Quelques cavaliers avaient trop bu et d’autres se sentaient très offusqués de ne pas trouver les fugitifs pour se battre. Dans leur excès de zèle, et de frustration, ils commencèrent à piller les maisons et à tout détruire sur leur passage. Ils allumèrent plusieurs incendies à différents endroits. Ils terrorisèrent les pauvres habitants défaits, sans défense, devant leurs maisons en cendres. C’est le capitaine Campbell, seigneur de Rouville, qui fit arrêter le désastre. Il renvoya de force les volontaires de Lachine dans leur quartier. Mais ces derniers repartirent en voitures, attelées par des chevaux, remplies de meubles, de couvertures, d’outils et d’animaux, qu’ils s’étaient appropriés par la force, autrement dit, qu’ils avaient volés ! Quand aux Agniers  de Caughnawaga, après avoir volé des objets de moindre valeur, ils rendirent leur butin à l’été 1839. Les  volontaires loyaux de Lachine sont accusés de cette oeuvre de destruction. Le Capitaine Campbell dut nourrir les victimes de Châteauguay avec les provisions des volontaires. Ce geste constitue une forme d’excuse pour faire oublier l’ampleur de la tragédie et des dégâts causés.
Les Patriotes de Lachine
Les Patriotes présents à l'assemblée de Saint-Laurent
«Il y a  assez longtemps que nous souffrons, nous voulons nos droits» (les Patriotes de Beauharnois en réponse à Brown)[xi].
Une des premières manifestations à la Rébellion fut l’assemblée du 15 mai 1837 à Saint-Laurent, situé au Nord-Est de Lachine. À cette assemblée se trouvaient plusieurs habitants de Lachine, dont Nicolas Lefaivre, un cultivateur de 53 ans, natif de Lachine. Lui et sa petite famille vivaient non loin de l’actuelle limite de Lachine et Dorval. On ne le reverra plus mêlé aux Patriotes après cette brève présence. Il en est de même pour un dénommé Jean-Baptiste Malo, son apparition à cette assemblé étant sa seule et unique présence au côté des Patriotes. De plus, nous savons qu’il n’habite plus Lachine en 1851, car il n’a point été recensé. Un autre de leurs confrères présents à l’assemblé est Jean-Baptiste Quesnel. Natif de Lachine, 38 ans, il est cultivateur. Sa terre est située près de celle de Nicolas Lefaibvre, mentionné ci-haut. Aussi, dans la même assemblée, il y avait Pascal Persillier Lachapelle, 67 ans, et son fils, portant lui aussi le même nom. Le père est entrepreneur, architecte et meunier. Il possède un complexe de moulins qu’il a bâti sur le chemin du Roy à Lachine. Il vendra le tout en 1837 et s’établira à Côte-des-Neiges. Présent à l’assemblée, mais aussi actif, il appuya la résolution numéro huit à l’ordre du jour, qui fera partie par la suite des 92 résolutions. Le fils Pascal Persillier Lachapelle, pratique les métiers de meunier et d’entrepreneur comme son père, mais il n’est pas aussi visible (en tout cas de  ce qui ressort des archives) que lui et, le soir de l’assemblée, il se contente d’être présent. Il posséda longtemps une propriété près du fleuve Saint-Laurent dans le Bas-Lachine.
La famille Ducharme
Parmi les Patriotes de Lachine, il y avait la famille Ducharme, dont le membre le plus connu est Léandre, né le 15 janvier 1815. Il sera mis sous verrou pour haute trahison à 23 ans et exilé en Australie le 27 septembre 1839 pour avoir pris part aux événements de Châteauguay. Il ne revint pas s’installer à Lachine après son séjour de 5 ans en Australie. Le cousin germain de Léandre, beaucoup plus âgé que lui, François Dominique Ducharme, possède une vision bien différente des Patriotes. Dominique est né lui aussi à Lachine, le 15 mai 1765. Trafiquant de fourrures, officier de milice, fonctionnaire et juge de paix, il s’opposa à la Rébellion. Il refusa de donner des armes à Jean-Olivier Chénier et il le renvoya chez lui, en colère de s’être fait solliciter. Mais Dominique Ducharme devint un Patriote au sens où, par la suite, il aida la fuite de certaines de ses connaissances qui étaient des insurgés. Il n’acceptait pas le fait que les Patriotes soient condamnés pour avoir voulu renverser le gouvernement britannique de l’époque. Toujours parmi les Ducharme de Lachine, on retrouve Timoléon Ducharme, 20 ans, un cultivateur de la paroisse de Lachine, arrêté pour avoir livré une lettre  à la Loge de Châteauguay[xii]. Cette lettre donnait ordre d’attaquer le vapeur Henry Brouham. Dans son interrogatoire du 5 novembre 1838, il raconte qu’une fois la lettre entre les mains des Patriotes, ceux-ci lui demandent de soulever ses concitoyens, mais il  refuse. Du même coup, ces Patriotes souscrivent cinq piastres pour les bonnes âmes exilées aux États-Unis. Nous savons qu’il n’habite plus Lachine en 1851 puisqu’il n’a point été recensé.
Le procès de Léandre Ducharme
Laurent Latour, un fermier de 44 ans, natif de Lachine et commerçant de bois, était un complice de Léandre Ducharme à son procès. Lors du procès de Ducharme, il dit avoir vu ce dernier à la maison de son cousin, et le lendemain, sur le perron de l’église des Saint-Anges de Lachine. Latour était présent pour couvrir Ducharme qui tentait d’établir un alibi. En 1851, Laurent Latour est toujours vivant et habite à deux terres du Patriote Jean-Baptiste Quesnel, toujours à Lachine.
Les victimes devant la Commission des pertes
Outre les Patriotes traduits en justice, certains réclamèrent d’être indemnisés pour les dommages subis. Aussi, en 1852, un dénommé Félix Bilodeau dit Lafleur, se présente devant la Commission des pertes pour propriété pillée et brûlée. Sa demande d’indemnisation est refusée, car il ne répond point aux questions qu’on lui pose, relatives à cette affaire. Il meurt en 1892, à Lachine. Un second, Moïse Dandurand, 26 ans, a également fait une réclamation, acceptée celle-ci le 1er septembre 1851, pour propriété brûlée par les volontaires (no. 2052)[xiii]. À l’âge de 40 ans, il était toujours établi à Lachine et était aubergiste. Un troisième malheureux  a subi le même sort; il s’agit de Alexandre Robert, 38 ans, cultivateur et natif de Lachine. Il réclame une compensation, mais, puisqu’il ne s’était pas présenté chez un officier public pour remplir la déclaration, elle fût rejetée. Il habite toujours Lachine en 1851.
Deux Lachinoises au secours des Patriotes
Il n’y a pas seulement des hommes à Lachine qui veulent défendre leurs droits, mais aussi deux femmes: Madame Papin et sa fille. Leur action a été accomplie le soir du 1er décembre 1838. Cinquante-deux Patriotes de la rive-sud sont faits prisonniers et amenés à Lachine pour y passer la nuit dans un hangar sans chauffage. Ces deux dernières leur  apportèrent réconfort et provisions, ainsi que des mots d’encouragement. Les hommes en ont eu grand besoin car, le lendemain matin, une longue marche semblable à celle du 4 novembre précédent les attendait. Des Écossais les accompagnaient en jouant de la cornemuse.[xiv]
Patriotes originaires de Lachine
Parmi les 23 chefs Patriotes identifiés par le professeur Gilles Laporte sur son site Internet, deux retiennent davantage l’attention parce qu’ils sont originaires de Lachine,[xv] et que leurs familles sont inscrites dans mon arbre généalogique. Il s’agit de François-Marie-Thomas Chevalier de Lorimier et de Jean-Olivier Chénier. Pour ce qui est de Chevalier de Lorimier et de son frère Jean-Baptiste Chamilly, c’est leur grand-père de Lorimier et tous ses ancêtres qui provenaient de Lachine[xvi]. Chamilly était un fils de la Liberté qui se réfugia aux États-Unis en compagnie de l’abbé Chartier et du docteur Brien. Son frère reçut le prénom de Chevalier à cause de son oncle et parrain[xvii]. Il signa toute sa vie Chevalier de Lorimier. Notaire, il avait 34 ans en 1837. Il fut très actif et présent un peu partout lors de la Rébellion. Il est un des fondateurs des Frères chasseurs. Sa gloire atteint son sommet à l’heure de sa mort avec le testament politique qu’il rédigea avant d’être pendu en avant de la prison au Pied-du-Courant, le 15 février 1838 . Voici un extrait de ce qu’il écrit la veille de son exécution : «Pour eux je meurs sur le gibet de la mort infâme du meurtrier, pour eux je me sépare de mes jeunes enfants et de mon épouse sans autre appui, et pour eux je meurs en m’écriant: Vive la liberté, vive l’indépendance! Chevalier De Lorimier »[xviii] Dans cette famille, les extrêmes se rencontrent: Chevalier de Lorimier et son frère sont des Patriotes tandis que leur cousin germain, Georges De Lorimier, est du parti contraire. En fait, il est le chef des Amérindiens de Caughnawaga et ne se gêne pas pour intervenir aux côtés des volontaires loyaux de Lachine.
Pour ce qui est du docteur  Jean-Olivier Chénier, il naquit à Lachine le 9 décembre 1806. Il était le chef de file des Patriotes de Saint-Eustache et le héros de la bataille qui se déroula dans l’église de ce village. Après un long combat avec les volontaires, voilà que le feu se déclare à l’église. En sautant de l’une des fenêtres, il est criblé de balles à peine le sol touché. Il décède sur-le-champ le 14 décembre 1837.
Papineau dans mon arbre généalogique!
Bien qu’il ne soit pas originaire de Lachine, un autre Patriote et non le moindre se retrouve dans mon arbre généalogique. Il s’agit du grand Louis-Joseph Papineau. Il y a cinq générations qui nous séparent, et ce, parce que la soeur de l’une de mes ancêtre, avait épousé Joseph Papineau, le père de notre héros.[xix]
Conclusion
Si les Patriotes de Lachine ne furent pas des plus actifs, ce fut à cause de l’étroite surveillance de la Cavalry. Toujours aux aguets à la moindre rumeur, souvent montés sur leur chevaux, ils ne se gênaient pas pour provoquer les Patriotes en les insultant et les menaçant. Le ¨Lachine Troop of Cavalry” était composé de plusieurs familles de notables anglais qui avaient mis sur pied les premières industries de Lachine; tels la brasserie Dawes et les moulins de la famille Ogilvie. Ils interagissent tous entre eux, comme une petite communauté possédant de grandes ressources monétaires. En fin de compte, on s’aperçoit qu’il y a quand même de l’intérêt pour la Rébellion à Lachine, malgré le fait qu’elle ne fut pas le haut lieu du soulèvement de la population. À part quelques cas isolés, certaines maisons de Patriotes de Lachine ont été brûlées. Nous avons surtout vu  des événements qui se sont déroulés en périphérie de Lachine, mais qui finissaient par toucher celle-ci. Les Patriotes de Lachine sont surtout des cultivateurs, comme la majorité des autres Patriotes. Ils habitent presque tous le Bas-Lachine. Les Lachinois seraient-ils plus disposés à enfanter des Patriotes ?
Peu de recherches ont été effectuées sur les événements de 1837-1838 sous l’angle de Lachine. Il faut aller consulter les archives directement ou éplucher les journaux de l’époque pour en trouver trace. Ce sont surtout des auteurs anglophones qui ont abordé les questions relatives aux péripéties s’étant déroulées à Lachine, tandis que les francophones passaient outre les informations recherchées. Lorsque l’on fait des recherches sur le sujet des Patriotes et de la Rébellion, on se rend compte que toute l’attention se concentre sur Saint-Denis et Saint-Eustache, comme si rien d’autre n’existait. Reste à savoir si la journée des Patriotes pourrait, au fil des années, susciter assez d’intérêt pour générer d’autres recherches dans des champs plus élargis et méconnus. Pour ma part, partie de rien, j’ai été peu à peu amenée à découvrir des aspects inattendus de ma ville: Lachine.


Bibliographie
Sources
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Études
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Adresse Internet
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URL: http://www.er.uquam.ca/nobel/k14664/patriote.htm

[i] Bref récit et narration de la navigation faite par le capitaine Jacques Cartier, Paris, Librairie Tross, 1863, p 27. extrait du livre de Normand Moussette, En ces lieux que l’on nomma La Chine, cité de Lachine, 1978.
[ii] Voir annexe numéro 1, carte des cadastres de Lachine par Henry W. Hopkins, 1879.
[iii] Gravel, Denis, Moulins et meuniers du Bas-Lachine 1667-1890, Québec, Septentrion, 1995.
[iv] Voir annexe numéro 2, membres composant le Lachine Troop of Cavalry d’après Gravel, Denis, Monographie du moulin Fleming à ville LaSalle, Société historique Cavalier-de-LaSa1le,  février 1990.
[v] D’après le récit de Joseph Shull et John Fraser.
[vi] Voir annexe numéro 3, chemin emprunté par les prisonniers de Lachine à Montréal.
[vii]  Voir annexe numéro 4,  pétition des Amérindiens paru dans le Boréal express 1810-1841, Montréal, 1968.
[viii]  Julien Yvon : Les Patriotes de 1838 à Beauharnois et à Châteauguay, Beauharnois, novembre 1988.
[ix] Voir annexe numéro 5 pour les principaux dirigeants de la cavalerie de Lachine, tiré de Racine, Denis, Répertoire des officiers de milice du Bas-Canada 1830-1848.
[x] Personnes ayant participé aux activés patriotiques dans Châteauguay et Beauharnois.
[xi] Tiré de Julien, Yvon, Les Patriotes de 1838 à Beauharnois et à Châteauguay, Beauharnois, novembre 1988.
[xii] Des membres de l’association des Frères chasseurs de Châteauguay (patriote).
[xiii] Rapports des pertes de la Rébellion de 1837-1838, Archive nationale du Canada, 1852.
[xiv] Il y aurait encore le nom de Charles Picard, qui se retrouve sur la liste des Patriotes de l’ historien Jean-Paul Bernard.  Il est âgé de 41 ans, forgeron et natif de Lachine. Peut-être fabriquait-il des armes pour les Patriotes ? En 1851, il vit toujours à Lachine.
[xv] Leurs familles sont inscrites dans mon arbre généalogique
[xvi] Voir annexe numéro 7 pour arbre généalogique de Chevalier De Lorimier ainsi que son frère.
[xvii] Son oncle était un noble qui avait été un vrai chevalier.
[xviii] Testament politique De Lorimier, écrit la veille de son exécution à la prison de Montréal, le 14 février 1839 à 11 heures du soir, extrait du site Internet de Gilles Laporte, Uquam, 1996.
[xix] Voir annexe numéro 7 pour arbre généalogique de Louis-Joseph Papineau.http://www.er.uquam.ca/nobel/k14664/patriote.htmshapeimage_2_link_0

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