BREF HISTORIQUE DE LA PAROISSE DE SAINTE-BRIGIDE D'IBERVILLE

À la frontière des fiefs loyalistes et des seigneuries françaises
Coexistence harmonieuse des colons fondateurs

La paroisse de Sainte-Brigide est anglophone d'origine. Elle l'est par le seigneur, sir John Johnson, maître du domaine et initiateur de la colonisation dans le territoire où il laisse l'empreinte de l'ingénérie anglaise en réorganisant l'ancienne seigneurie française de Monnoir et en faisant venir des colons anglais.

Elle l'est par ses premiers colons européens, anglophones et catholiques, comme les Murray et les Maguire venus d'Irlande; par ses premiers colons européens loyalistes et protestants émigrés d'Angleterre, d'Écosse ou des États-Unis d'Amérique et des Cantons de l'Est. Ces premiers habitants du territoire ont tous un lien commun d'expression : la langue anglaise. Les premiers livres de délibérations de la municipalité en témoignent.

Anglaise, elle l'est dans ses réalisations initiales : le centre de colonisation porte la désignation de South West River; l'embryon du village s'appelle d'abord Murray's Corner. Les premiers rangs ouverts sont dits rang des Irlandais, rang des Écossais, rang de Murray. Les cinquante premières familles qui se sont implantées sur les deux rives de la Rivière du Sud Ouest, entre 1820 et 1830, sont écossaises, irlandaises et anglaises. Au rang des Écossais, on ne compte alors que quelques unités canadiennes-françaises. Même la patronne de la paroisse catholique romaine est une vierge irlandaise, sainte Brigide.

Les deux premières écoles de la paroisse Sainte-Brigide sont des réalisations anglaises : l'une protestante fondée en 1822 et l'autre catholique, ouverte en 1829. Et la première chapelle bâtie en 1842 est une initiative des catholiques de langue anglaise. Le premier maire élu est William Murray. L'histoire va retenir que les premiers actes religieux et civils figurant aux registres de la paroisse sont signés du patronyme Murray. Ce nom est relié au territoire jusqu'en 1916. Et l'idée de convertir la savane en gigantesques tourbières revient à Patrick Reynolds, un Irlandais dont les descendants reposent dans notre cimetière. Devant cette énumération de réalisations, un constat s'impose : les Irlandais ont largement contribué à établir les bases catholiques et civiles de notre paroisse.

Le deuxième groupe de colons, soit les Anglais et les Écossais d'allégeance protestante, portent des noms tels Thompson, Hopely, Armstrong, Leggett et McCorkill; ils représentent alors la puissance du maître du territoire qui a ses entrées à la Cour de Londres, au Conseil législatif et dans la seigneurie de Monnoir. L'établissement de cette colonie anglaise dans la partie sud de la seigneurie en frontière du township de Farnham est une expansion naturelle de l'occupation des Cantons de l'Est par les Loyalistes américains, gens d'ordre et de fortes traditions religieuses et politiques. Lorsque les Canadiens français en viennent à former le noyau ethnique de la paroisse, ces colons et leurs descendants se tourneront du côté de Farnham.

Dernier groupe à occuper le territoire, vers 1830, les Canadiens français essaiment des autres paroisses de la seigneurie de Monnoir, soit de Sainte-Marie et de Saint- Grégoire et aussi de Saint-Césaire. Ils s'appellent Bonvouloir, Daigneault, Delorme, Drogue, Giroux, Lemaire, Martel, Messier, Monty, Papineau, Rainville et autres.

Pendant le XIXe siècle, les Irlandais, frères dans la foi, se mêlent aux Canadiens français pendant les offices de l'église et partagent les bancs de l'école. Les Irlandais parlent le français couramment; de plus, des mariages contribuent à resserrer des liens d'amitié entre les deux groupes ethniques. Le prône à l'église est fait dans les deux langues jusqu'en 1905. Et ce n'est que le 3 novembre 1913 que le conseil municipal décide par règlement qu'à l'avenir tous les avis publics seront rédigés en français seulement.

Un prêtre laisse à la paroisse de Sainte-Brigide un héritage impérissable. L'abbé Pierre Loiselle, curé de la paroisse de 1940 à 1955, dresse la généalogie de toutes les familles de la paroisse. Ces fiches familiales, qui sont conservées à la mairie, attestent que les membres des familles Boulais étaient le plus nombreux à l'époque.

À Sainte-Brigide, depuis les années 1960-1970, l'histoire se répète. Des Européens venus des Pays-Bas, de Suisse, de Hollande et de Belgique s'implantent dans le rang des Irlandais, dans les Huitième et Neuvième concesssions pour vivre sur les terres brigidiennes l'odyssée des premiers Européens se consacrant tout autant à l'agriculture. L'océan, qui sépare les deux continents d'Europe et d'Amérique, amène sans cesse sur les rives canadiennes les fils et les filles de la mère patrie.

Les gens de Sainte-Brigide commémorent depuis vingt-cinq ans la fête patronale des Canadiens français, le jour de la Saint-Jean. Chaque année, de toute la région, on se presse pour assister au défilé qui emprunte les rues ceinturant le village. Sur le parterre de l'église se concentrent les villageois et les visiteurs pour saluer la parade et renouer avec leurs origines. L'héritage des fondateurs est toujours tangible à Sainte-Brigide.

Nicole Poulin, ex-résidante.