Histoire d'Anthoine Fillion (1637-1669)

Nos ancêtres de Paris

Anthoine Fillion, ainsi que ses parents et grands-parents ont vécu l'essentiel de leur vie dans la ville de Paris. Son grand-père, Edmond Fillon (et non Fillion), y exerçait le métier de maître corroyeur baudroyeur, artisan spécialisé dans l'apprêtage du cuir. Lui et son épouse eurent au moins deux enfants, dont une fille, Marie-Bénard, qui épousera Maurice Furton, un menuisier de Paris, ainsi qu'un fils, André Fillion (avec un i), le futur père d'Anthoine, qui plus tard exercera le même métier que son père Edmond. André signe son premier contrat de mariage le 7 mai 1628. Gabrielle Saulecq, fille mineure, dont la mère et le père, autrefois laboureur dans le village de Trocy-Le-Multien, sont décédés, sera son épouse et la mère d'au moins deux fils, dont le plus vieux, Michel Fillion, né vers 1632, sera le premier de la famille à venir s'installer en Nouvelle-France. Il y connaitra d'ailleurs une belle carrière, jusqu'à sa mort survenue à Beauport en 1689.

Né vers 1637, Anthoine, le deuxième fils, exercera à Paris le métier de maître chaudronnier. Il se mariera une première fois, vers 1656, à une fille dont nous ignorons le nom présentement. Le couple aura au moins un fils, qui se prénommera Pierre. Probablement suite au décès de cette première épouse, il se mariera de nouveau 1664 avec une dénommée Anne d'Anneville, également de Paris, plus précisément de la paroisse St-Eustache.

En 1665, Anthoine, son fils Pierre, ainsi que sa femme Anne d'Anneville, accompagnée de sa soeur Gabrielle et de sa mère Marguerite LeRoy, décident à leur tour de venir tenter leur chance en Nouvelle-France. Ils se transportent à La Rochelle, ville portuaire d'où s'effectuera le départ de la traversée le 27 avril suivant. Deux semaines auparavant, le 13 avril, Anthoine s'oblige auprès de Dominique de Ponteneau, capitaine de navire à La Rochelle, pour l'achat de marchandise qu'il avait fait monter à bord. Il est permis de croire que le profit de cette vente lui aurait fourni l'argent nécessaire pour défrayer le coût de son passage ainsi que celui de sa famille. La semaine précédant la signature de cet engagement, Anne donnera naissance à une fille prénommée Jeanne qui sera baptisée à l'église de la paroisse St-Jean-du-Perrot à la La Rochelle le 7 avril 1665. Nous ne connaissons pas le destin de cet enfant mais on sait qu'elle n'était pas en Nouvelle-France en 1667 et qu'elle n'y est pas décédée.

L'arrivée à Québec

Le jour du départ arrive enfin. À bord du Cat de Hollande, un navire marchand de 250 tonneaux, se trouvent, outre Anthoine Fillion et les siens, 150 passagers, dont le sieur Pierre Gaigneur, le marchand qui a affrêté le navire en question, et dont l'épouse a servi de marraine au baptême de sa fille Jeanne, le sieur Le Barroys, secrétaire du roi Louis XIV et agent général de la Compagnie des Indes occidentales, et qui deviendra plus tard le parrain de Jean-Baptiste, fils d'Anthoine et Anne d'Anneville et le premier Fillion né en terre d'Amérique, ainsi que 67 nouveaux engagés pour la Nouvelle-France.

La traversée qui prévoyait une escale à Dieppe, s'effectuera en moins de huit semaines, soit près de deux semaines de moins que la durée moyenne de ces randonnées. Nous devons donc en déduire que celle-ci s'est déroulée dans des conditions favorables. Arriva finalement la date la plus importante pour tous les éventuels descendants de cette famille-souche, soit le jour où Anthoine Fillion et Anne d'Anneville mirent le pied en Nouvelle-France pour la première fois, le 18 juin 1665.

Avant de reprendre la route pour La Rochelle, le Cat de Hollande ainsi qu'un autre navire, le Vieux Siméon de Durkerdam, seront réquisitionnés pour aller chercher les soldats des 4 compagnies du marquis de Tracy, arrêtés à Gaspé à bord du Brésé, navire de guerre trop imposant pour tenter de pénétrer à l'intérieur des eaux périlleuses du St-Laurent. L'arrivée de ces troupes ainsi que celles du régiment de Carignan mettront un frein aux aspirations avouées des iroquois de détruire complétement la petite nation française en Amérique, et permettront ainsi à celle-ci, et ce pour la première fois, d'entrevoir une implantation définitive en Nouvelle-France.

L'installation en Nouvelle-France

Quelques semaines après leur arrivée à Québec, Gabrielle d'Anneville et sa mère Marguerite LeRoy, les soeur et et mère d'Anne d'Anneville, identifiées comme filles du Roi, se marieront à l'Église Notre-Dame de Québec. Anthoine et sa famille s'installent d'abord dans une maison sise sur le terrain actuel de la cathédrale anglicane, longeant la petite rue Ste-Anne à Québec. Leur premier fils, Jean-Baptiste, baptisé le 17 juillet 1666 à l'église Notre-Dame de Québec, sera inhumé 3 mois plus tard, le 16 octobre 1666.

Deux jours plus tard, soit le 18 octobre 1666, Anthoine Fillion et Anne d'Anneville achètent pour 40 livres tournois une terre de deux arpents par trente appartenant à Laurent Lormier, et située de l'autre côté de la petite rivière St-Charles, un emplacement qui fait partie aujourd'hui de Ville Vanier. La famille ne s'y installera pas tout de suite puisqu'au recensement de 1667, même s'il est fait mention de la terre nouvellement acquise avec une habitation dessus, celui-ci nous confirme toutefois leur présence sur la rue Ste-Anne de la façon suivante : Anthoine Fillion, 30 ans, Anne d'Anneville, 20 ans et Pierre Fillion, 10 ans.

Un dernier fils, Jean Fillion, né un peu plus tard le 31 octobre 1667, sera à l'origine de la nombreuse descendance de notre famille-souche en Amérique. La présence d'Anthoine nous est révélée une dernière fois en août 1668, dans une cause de la prévôté de Québec, où il agissait à titre de témoin expert. Nous perdons ensuite définitivement sa trace et la confirmation de sa mort nous est révélée en 1669.

Le mariage d'Anne d'Anneville et Jean Charon dit La Ferrière

Anne d'Anneville se mariera de nouveau en novembre 1669 à un dénommé Jean Charon dit La Ferrière, ancien soldat de la compagnie de La Fouille, arrivé lui aussi en 1665, et qui exercera par la suite le métier de taillandier. Dans le contrat de mariage, Anne d'Anneville est identifiée comme étant veuve d'Anthoine Fillion, vivant habitant la petite rivière. Dans ce document, il est prévu que la nouvelle communauté de biens, issue de ce mariage, prendra charge de l'entretien de Jean Fillion, fils d'Anthoine et Anne d'Anneville, jusqu'à l'âge de 15 ans. Aucune mention de Pierre Fillion. le premier fils d'Anthoine, qui n'avait pourtant qu'une douzaine d'année ou environ à ce moment là.

On pourrait le croire disparu, mais une ordonnance de la prévôté de Québec, datée du 31 juillet 1676, donc sept ans plus tard, le mentionne dans une cause l'opposant à Jean Charon. Il lui réclame 50 françs pour deux mois et demi de travail, ainsi que la remise de ses hardes. Une entente sera prise hors-cours. Toutefois, nous perdons complétement la trace de Pierre par la suite. Est-il retourné en France ?

Jean Charon dit La Ferrière et Anne d'Anneville achèteront des Ursulines en 1675 une maison située au coin nord des rues Côte-de-la-Montagne et Sault-au-Matelot. Même si le recensement de 1681 nous informe que Jean Fillion était à l'emploi de son oncle Michel comme domestique à Beauport, nous pouvons supposer que Jean a vécu l'essentiel de son enfance et son adolescence dans cette petite rue de la basse ville de Québec. Il reçoit la confirmation à l'église Notre-Dame de Québec le 19 mai 1682, quelques mois avant qu'un incendie majeur ne détruise la plupart des habitations et boutiques de basse ville de Québec, en très grande partie construites de bois et colombage. La maison des Charon et d'Anneville sera heureusement parmi celles qui auront survécues à ce désastre.

Le cheminement de Jean Fillion

Jean Fillion apprendra le métier de taillandier, exercé par son beau-père Jean Charon dit La Ferrière. Il travaillera également pour le compte du Séminaire de Québec, ainsi que d'autres taillandiers, tels Jean Gauthier et Pierre Normand La Brière. À vrai dire, son cheminement se révèle assez difficile à suivre au cours de ces années; louant ici une boutique, là des outils, s'engageant en même temps à travailler pour le compte d'un autre taillandier, tout en continuant de travailler pour le Séminaire de Québec et pour son beau-père Jean Charon. Pas étonnant qu'il ait souvent eu à rendre des comptes devant la prévôté de Québec. Il finit tout de même par mériter le titre de maître taillandier.

Le mariage de Jean Fillion et Françoise Sénard

Le 6 juin 1695, Jean Fillion prenait Françoise Sénard pour épouse à l'église Notre-Dame de Québec. Jean Fillion, tout en continuant à travailler à Québec, prend une entente avec le Séminaire de Québec, propriétaire de la Seigneurie de la côte de Beaupré, à l'effet d'exploiter une forge et cultiver une terre dans la petite agglomération de St-Joachim, près de la grande ferme exploitée par le Séminaire.

L'année suivant leur mariage, plus précisément le 18 août 1696, le couple s'installera à loyer dans la maison d'un dénommé Nicolas Doyon, maître arquebusier, située sur la rue Sault-au-Matelot. Cette maison, qui comprenait une boutique qu'exploitera Jean Fillion, est voisine de la maison habitée autrefois par son oncle Michel Fillion, une trentaine d'année auparavant. Jean Fillion et Françoise Sénard y auront un mois plus tard, le 17 septembre 1696, leur premier enfant, Marie-Françoise, dont le parrain sera justement Nicolas Doyon. Elle décédera toutefois quelques semaines plus tard.

Les Charon et d'Anneville en faillite

Il était très difficile de vivre uniquement de son métier à cette époque. La plupart des artisans feront comme Jean Fillion et exploiteront également une terre dans une seigneurie environnante.

Jean Charon, qui semble n'avoir vécu que des fruits de son travail de taillandier, est écrasé par les dettes. Lui et Anne d'Anneville devront vendre, à l'encan, leur maison de la rue Sault-au-Matelot afin de payer l'essentiel de leurs créances, dont la principale était dûe au sieur Charles Aubert de la Chenaye, le plus gros marchand en Nouvelle-France, et dont le magasin était situé juste en face de leur maison.

C'est d'ailleurs lui qui achètera la maison en question, le 24 février 1696. Il permettra toutefois à Jean Charon et sa famille de continuer à l'habiter jusqu'en juillet 1698. En août 1698, la famille Charon et d'Anneville ira s'installer sur le quai du cul-de-sac, dans la basse ville de Québec. Jean Charon mourra quelques années plus tard, le 26 juillet 1702, à l'Hôtel-Dieu de Québec, en ne laissant pratiquement rien derrière lui, sinon ses vieux outils de taillandier que son épouse Anne d'Anneville vendra à leur fils Jean-Baptiste. On perd ensuite la trace d'Anne d'Anneville, qui selon certains, pourrait bien être la tonnelière, surnommée "La Pertière", décédée à l'Hôtel-Dieu de Québec le 28 juin 1711.

L'installation à St-Joachim

Si besoin était, les destins de sa mère et de son beau-père ont sûrement contribué à décider Jean Fillion et Françoise Sénard à aller s'installer définitivement sur la terre de St-Joachim. Ce qu'ils feront avant la fin du siècle. En janvier 1706, ils achèteront cette concession de terre du Séminaire de Québec, et en continueront l'exploitation. Jean Fillion, ainsi que plusieurs générations de descendants continueront toutefois à effectuer des travaux pour le Séminaire de Québec, tant à titre de forgerons que de manoeuvres pour les travaux de la ferme.

Une solide maison, ainsi qu'une forge seront construites sur cette concession de terre, qui résistera à l'épreuve du temps ainsi qu'à l'invasion des anglais en 1759. Cet emplacement continuera d'appartenir à des Fillion jusqu'en 1888. Toujours debout après trois siècles d'existence, cette maison, qui fut aussi une auberge, représente le symbole de la solidité, de la persévérance et de la continuité dont ont fait preuve nos ancêtres et qui nous sont laissés en héritage.

Normand Fillion
Arthabaska


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Source: Le Centre de généalogie francophone d'Amérique
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